Editorial
La situation apparente…
Alors que le printemps 2009 avait été marqué par une puissante vague de mobilisation, la situation, en apparence, semble bien différente en cet automne. Les manifestations gigantesques du 29 janvier et du 19 février, la Grève générale en Guadeloupe et en Martinique, la mobilisation d’une ténacité rarement vue à l’Université, tout cela paraît loin : les licenciements se poursuivent, les réformes se mettent en place à l’Université et, même aux Antilles – où le gouvernement avait subi une claire défaite – la bourgeoisie tente de reprendre une partie de ce qu’elle a dû concéder.
Et Sarkozy semble libre de poursuivre son offensive : relance de la réforme des lycées, expulsions de travailleurs et de jeunes sans papiers, installation de nouveaux fichiers de police, processus de privatisation de la poste… on peut multiplier les exemples.
Pourtant, ne voir que ce seul aspect de la situation conduirait à une analyse erronée.
… et la réalité
D’abord parce que la volonté de combattre cette politique, d’infliger une défaite à Sarkozy, n’a pas disparu, bien au contraire. Et sans cesse de nouvelles mobilisations jaillissent.
Ainsi, dans la continuité de la lutte des travailleurs de Continental, des travailleurs de diverses entreprises s’organisent pour des revendications analogues, comme ceux de Chaffoteaux. Et, une fois encore, des milliers de travailleurs sans papiers ont engagé le combat pour leur régularisation
Ensuite parce que l’on doit aussi constater qu’ « en haut », les dissensions et tiraillements, même s’ils sont éphémères, se développent : Sarkozy a dû renoncer à faire nommer son fils à la tête de l’organisme gérant le quartier d’affaires de la Défense ; il doit désormais faire face à Raffarin, ancien premier ministre qui, avec 23 autres sénateurs refuse l’actuelle version de la réforme de la taxe professionnelle. Et tous redoutent une explosion sociale majeure.
On retrouve, plus ou moins affirmés, deux des prémices d’une situation pré révolutionnaire : en « bas », ils ne veulent plus ; en « haut », ils ne peuvent plus, ou avec des difficultés croissantes… .
« Creuse vieille taupe, creuse… ! ».
« Aux signes qui mettent en émoi la bourgeoisie, (… ), nous reconnaissons notre vieille amie, notre vieille taupe qui sait si bien travailler sous terre pour apparaître brusquement : la Révolution » expliquait Marx aux travailleurs anglais en 1856. Ce même travail souterrain est aujourd’hui à l’œuvre.
À la base de cette situation, il y a la poursuite de la crise économique, en dépit de quelques indices valorisés par les médias qui espèrent une prochaine reprise économique. Et nul ne peut nier que le chômage s’accroît, que le pouvoir d’achat diminue, et que l’endettement des États atteint des sommets.
Cela conduit inévitablement à l’exacerbation de la lutte des classes : pour rétablir ses profits, la bourgeoisie ne peut qu’attaquer sans relâche les travailleurs et la jeunesse. Et ceux-ci n’ont d’autres choix que, sans cesse, repartir au combat contre la bourgeoisie et son gouvernement.
Mais il y a plus important que les résultats directs des mobilisations, lesquelles se concluent par de bien rares succès ; le plus important, c’est la conscience grandissante, en particulier dans la jeunesse, que la racine de la crise actuelle ne se trouve pas dans les « excès » ou les « dérives » du capitalisme, mais dans le capitalisme lui-même, et que ce capitalisme ne peut être pas être régulé. Ce qui grandit, c’est la conscience que les dirigeants syndicaux ne veulent pas remettre en cause le capitalisme et que, pour cette raison, ils recherchent le dialogue social en refusant de défendre les revendications des salariés. Ce qui grandit, c’est la conscience que tous les partis dits « de gauche » veulent préserver le capitalisme et non de combattre dans la perspective du socialisme, et que pour cette raison, ils se divisent ou recherchent des accords électoraux avec des partis bourgeois (comme le Modem) au lieu de réaliser l’unité entre eux, l’unité pour chasser Sarkozy au plus vite.
S’organiser
De cette conscience grandissante découle une nécessité ; s’organiser politiquement pour aider à l’organisation des luttes (Assemblées générales souveraines, comités de grèves, coordinations).
S’organiser pour que les syndicats soient au service des salariés, des étudiants, et non au service des patrons et du gouvernement.
S’organiser pour que, sur le terrain politique, l’unité se réalise pour une alternative à ce gouvernement.
C’est-à-dire : construire une organisation dont l’objectif soit clairement affirmé : en finir avec le capitalisme et son État, se fixer l’objectif du socialisme, et dont le programme soit conçu dans cet objectif.
Cela vaut en France, mais cela vaut dans tous les pays sans exception.
C’est la raison pour laquelle les militants qui diffusaient jusqu’alors le bulletin Révoltes décident, autour de ce nouveau titre, « L’insurgé », d’organiser des cercles militants pour « la construction d’une organisation révolutionnaire de la jeunesse »
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À l’échelle mondiale, la situation politique qui prévalait à la fin du XXe siècle a été marquée par une offensive générale de la bourgeoisie, la réintroduction du capitalisme dans l’ex-URSS qui était déjà gangrenée par la bureaucratie, le reflux de la classe ouvrière et, conjointement, de la jeunesse.
Cette situation a commencé à se modifier. En France, elle a été marquée par des mobilisations de grande ampleur, qui posaient la question du pouvoir, et dans lesquelles la jeunesse a joué un rôle souvent décisif : mobilisation du printemps 2003, mobilisation lycéenne du printemps 2005, mobilisation contre le CPE en 2006, contre la LRU en 2007… jusqu’aux mobilisations historiques du printemps 2009. Le bulletin Révoltes a accompagné chacun de ces combats.
Au-delà des révoltes immédiates, spontanées, contre telle ou telle attaque, faire en sorte qu’à chaque mobilisation une force organisée en résulte, qui aille grandissant.
Tel est l’objectif de L’insurgé : prendre sa place dans toutes les grandes mobilisations, pour qu’à chaque étape cette force organisée soit renforcée.