Haïti : qui sont les véritables responsables de la catastrophe ?
Solidarité aves la population laborieuse et la jeunesse haïtiennes.
Alors les médias accusent le gouvernement haïtien défaillant, l’absence d’État, la corruption, et évoquent la malédiction qui frapperait ce pays où les cruautés de la nature (tremblement de terre et cyclones) se combineraient à l’incapacité du peuple haïtien à se doter d’un État fiable.
Un tel discours est pur scandale. Il sert à cacher les véritables responsabilités et à justifier la tutelle imposée à ce peuple.
Le peuple haïtien s’est constitué dans une révolution véritablement historique : la révolte des centaines de milliers d’esclaves (1790-91), leur victoire militaire sur les troupes de Napoléon puis des Empires anglais et espagnols et la constitution par ces hommes devenus libre de la première république noire de l’Histoire (1804). Pour tous les impérialismes, cette révolution émancipatrice est un crime impardonnable.
Et c’est parce que cette insurrection, qui marque à jamais la conscience des haïtiens, n’a cessé d’être un exemple pour toutes les Caraïbes et bien au-delà, que les impérialismes n’ont jamais cessé de faire payer aux Haïtiens cet acte fondateur, d’asphyxier économiquement et politiquement le pays pour le vassaliser, le réoccuper militairement ou le mettre sous le joug de dictateurs.
Ainsi, la France lui imposa en 1825 une rançon de 150 millions de francs-or comme prix de sa liberté, équivalent à 20 milliards de dollars d’aujourd’hui ! Les États-Unis occupèrent le pays de 1915 à 1934, puis installèrent en 1957 la dictature de la famille Duvalier qui terrorisa le pays jusqu’en 1986 avec ses bandes de tueurs, les « tontons macoutes » . Cette dictature faisait contrepoids à Cuba et a permis aux trusts impérialistes de liquider l’agriculture locale et de développer les « ateliers à sueur » . Une fois encore, en 1986, le peuple haïtien s’insurgea et chassa le dictateur qui se réfugia en France avec une fortune… équivalente aux dettes du pays.
Les Haïtiens portèrent alors au pouvoir Jean-Bertrand Aristide avec l’espoir d’obtenir quelques réformes, mais un sanglant coup d’État organisé par la bourgeoisie locale le chassa en 1991. En 1994, l’armée américaine débarque, et ramène Aristide. Celui-ci a accepté de mettre en œuvre le plan américain surnommé le « plan de la mort » par les Haïtiens. Le régime se décompose alors rapidement. Les bandes armées se multiplient : gangs liés aux grands propriétaires ou « chimères » financées par Aristide, tandis que les travailleurs cherchent à défendre leurs droits dans les nouvelles « zones franches » . Finalement, la bourgeoisie locale chasse Aristide en 2004, avec l’assentiment des États-Unis.
Depuis 2004, sous couvert de « mission humanitaire » , Haïti est occupée par les troupes de la Mission des nations unies pour la stabilisation d’Haïti (MINUSTAH). Mais rien n’a été fait pour prévenir tremblement de terre et cyclones ; la misère, la corruption n’ont pas cessé sous le mandat de l’ONU (appuyé sur les ONG). L’exploitation éhontée des travailleurs haïtiens se poursuit dans les usines de sous-traitance. En 2009, face aux mobilisations ouvrières exigeant un salaire minimum, les troupes de l’ONU ont servi à la répression sanglante des militants. Et Haïti doit continuer à rembourser ses dettes (57,4 millions de dollars pour le service de la dette en 2008, alors que l’aide étrangère totale s’élevait à 39 millions).
Si les travailleurs et la jeunesse du monde entier veulent aider les haïtiens, les doutes vont croissant quant aux véritables motivations des secours apportés par les grandes puissances, en premier lieu les États-Unis. Il n’est que de voir le déploiement massif des troupes américaines et de l’ONU sous prétexte de « sécurité » . Or, dans les quartiers dévastés, des comités populaires se sont créés pour assurer la sécurité.
Quant à Sarkozy, il veut sauver les intérêts du capitalisme français face aux États-Unis, et préserver l’accord passé avec Haïti qui, contre un peu « d’aide » , renforce la lutte contre les immigrés sans papiers.
La première crainte des impérialismes américains et français, c’est que la population haïtienne prenne les choses en main face à un gouvernement discrédité, inféodé aux États-Unis ; c’est que la population haïtienne, comme elle le fit à plusieurs reprises dans l’histoire, puisse balayer ce régime corrompu, considérant que la véritable raison de leurs souffrance, ce n’était pas la Nature, mais le gouvernement haïtien vassalisé, l’impérialisme et, au-delà, le système capitaliste tout entier.
En effet, les États-Unis n’ont pas oublié qu’au Nicaragua, après le tremblement de terre qui détruisit Managua en 1972 (25 000 morts), le détournement des ressources par le dictateur Somoza et la non reconstruction de la capitale provoquèrent la colère de la population et constituèrent un puissant accélérateur de la révolution nicaraguayenne. L’intervention impérialiste vise donc à entraver toute révolte populaire puis à reconstruire un État plus efficace pour protéger les intérêts impérialistes (surexploitation des ouvriers du textile, enclaves réservées aux compagnies touristiques américaines).
La réunion des pays « amis » d’Haïti (le 25 janvier à Montréal) a montré leurs véritables objectifs : pour la forme est évoquée la « souveraineté d’Haïti » mais tout se fera « avec une coordination clé des Nations Unies » , pour un objectif qualifié de « stratégique » . Il s’agit, « tout en continuant à fournir une aide humanitaire » d’ « édifier des institutions démocratiques efficaces » . C’est donc une véritable mise sous tutelle d’Haïti, contre la volonté clairement exprimée en Haïti, en particulier par les syndicats haïtiens.
La solidarité avec le peuple d’Haïti, au-delà de l’aide matérielle, consiste donc en particulier à formuler les exigences suivantes (qui devraient être reprise par toutes les organisations du mouvement ouvrier) :
Annulation immédiate et sans condition de toute la dette (multilatérale et bilatérale).
Que toute l’aide envoyée soit mise sous contrôle des travailleurs haïtiens et de leurs organisations.
Retrait de toutes les troupes d’occupations (américaines, françaises ou autres comme la Miustah).
Liberté totale de circulation des Haïtiens. Droit d’asile : accueil sur le territoire français (métropole et outre mer) de tout Haïtien qui en fait la demande.
Régularisation immédiate et durable avec regroupement familial de tous les Haïtiens sans papiers, en métropole comme en outre-mer (y compris en l’absence des pièces d’état civil qui sont impossibles à produire).
C’est aux impérialismes, en premier lieu à la France et aux États-Unis de payer les réparations, sans contreparties.