« 34 à 33 », drôle de score au Chili
Depuis le 5 août 2010, 33 mineurs Chiliens (sauf un, Bolivien) sont coincés à 700 mètres de profondeur dans une mine d’or et de cuivre au Nord du Chili, à San José suite à l’effondrement de galeries et à l’impossibilité de rejoindre la galerie de secours semble-t-il très bien entretenue (on annonce une sortie possible dans les prochaines semaines).
Les médias chiliens et les médias internationaux ont largement attiré l’attention sur ce drame, comme s’il était l’œuvre de la fatalité.
Le Président Piñera est même venu en personne lors du miracle du 23 août et la NASA a été appelée à la rescousse (auparavant, les autorités officielles appelaient plutôt la CIA, les temps changent…).
Les familles des mineurs accusent la société minière San Esteban, de négligence et de violation de plusieurs règlements sur la sécurité. Le propriétaire de la mine, Alejandro Bohn (33 ans, tiens comme c’est bizarre…) a affirmé que le moment n’est ni à la recherche des responsabilités ni à celle des pardons, mais au sauvetage des mineurs. Quel homme !
Le peuple Mapuche récupère ses terres et l’État terroriste l’emprisonne
Or, à quelques encablures, dans le même pays mais pas le même monde semble-t-il, ce ne sont pas 33 mineurs Chiliens, mais 34 Mapuches (peut-on les appeler Chiliens ?) qui vont mourir. Et cela, bien loin de toute caméra et visite officielle, au fond d’une cellule. Car, au Chili, filmer des indiens Mapuches peut conduire en prison (C’est ce qu’a vécu la cinéaste chilienne Elena Varela qui conduisait un travail d’investigation journalistique : surprise avec une caméra aux côtés de « résistants » Mapuches elle a été arrêtée le 7 mai 2008 et accusée "d’association de malfaiteurs" et "de liens avec un groupe terroriste ». Emprisonnée pendant 3 mois, elle ne sera « libérée » que le 22 avril 2010 !).
Des prisonniers politiques Mapuches emprisonnés dans les prisons d’Angol, Concepcion, Lebu, Temuco et Valdivia depuis des mois ont commencé le lundi 12 juillet 2010 une grève de la faim indéfinie.
Ces personnes luttent contre la spoliation de leurs terres.
Ces terres appartenaient à la nation Mapuche, mais elles ont été usurpées par les gouvernements successifs du Chili, et livrées aux grands propriétaires pour qu’ils les exploitent à des fins personnelles.
Ces peuples autochtones (à peu près 500.000 personnes) ne sont pas des parasites, ils vivent depuis des centaines d’années avec ce que la terre leur donne et travaillent pour leur survie et pour celle de leurs communautés.
Ce peuple souverain ne s’est jamais rendu à ceux qui ont voulu le soumettre : envahisseurs, grands propriétaires, patrons de scieries, etc.
Les héritiers de la dictature cachent efficacement cette lutte avec l’aide, la complaisance voire la coopération d’une grande partie de l’opinion chilienne, des médias locaux et plus généralement des médias internationaux.
Pour être clair, précisons qu’en réponse aux occupations de terres et aux barrages routiers, l’État chilien a, depuis des années, décidé de traduire en justice les militants en utilisant la loi 18.314, connue sous le nom de « loi antiterroriste ».
En vertu de cette loi, les accusés peuvent rester jusqu’à deux ans en détention sans que leurs avocats aient accès aux témoignages à charge.
L’ex-présidente Bachelet (emprisonnée et torturée sous la dictature), qui avait promis de ne pas l’utiliser, avait ainsi autorisé l’arrestation de 30 Mapuches avant de céder sa place au « philanthrope » Piñera.
Cette loi, établie sous la dictature de Pinochet, n’a d’ailleurs été appliquée que contre le peuple Mapuche depuis le retour à la démocratie en 1990.
Ceci alors que les Mapuches n’ont ni menacé ni tué personne.
C’est avec la complaisance, voire la coopération de la presse que le gouvernement conduit à la criminalisation croissante des demandes sociales et politique des Mapuches.
À l’inverse, sept Mapuches ont été tués par la police chilienne depuis 2002. La situation a d’ailleurs été dénoncée par Human Rights Watch et le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU.
De nombreuses personnes (universitaires, religieux, personnalités) soutiennent activement cette cause, certaines se sont même jointes à la grève de la faim ou suivent des journées de jeûne.
De même des étudiants de l’UTEM (Université Technologique Métropolitaine) ont pris possession du siège de Santiago et provoqué des incidents dans le centre de Santiago dans la matinée du jeudi 30 septembre 2010.
Environ 15 étudiants ont érigé des barricades et scandé des slogans en faveur des « comuneros » (membres militants des communautés indiennes) Mapuches. Les étudiants ont également occupé l’École du Travail Social jusqu’à l’arrivée des forces spéciales de la police....
Or, depuis le 25 août, la « justice » chilienne impose que les militants Mapuches soient nourris par la force.
Plaçant les festivités du bicentenaire du Chili sous le signe de l’union nationale, le président Pinera a déclaré, le 17 septembre : « nous avons une dette envers nos peuples et, en particulier, avec le peuple Mapuche ». Proposant d’ouvrir des négociations, il a demandé, dans une nouvelle preuve de mépris, à l’Église catholique, concrètement à l’Évêque de Concepciòn, Ricardo Ezzati, de se mettre en contact avec les Mapuches : ce dernier a accepté, Mais les prisonniers ont refusé ce « dialogue » car le gouvernement veut simplement apporter quelques modifications à la loi anti-terroriste alors que les Mapuches demandent à ce qu’elle ne leur soit pas appliquée.
Nous ne sommes sûrs que d’une seule chose : l’annonce proche de la mort d’un Mapuche dans une prison chilienne si le gouvernement ne cède pas très, très vite.
29 septembre 2010
Dernière minute :
Le vendredi 1er octobre des Mapuches emprisonnés à Concepciòn, Lebu, Valdivia et Temuco ont suspendu leur action après avoir atteint un accord avec le gouvernement. Cependant, les prisonniers d’Angol et un jeune Mapuche emprisonné dans le Centre de détention provisoire de Chol Chol et d’autres à l’hôpital de Victoria continuent. Ils sont quatorze, certains en grève depuis le 21 juillet.