Vive la mobilisation révolutionnaire en Tunisie et en Égypte !
Le 14 janvier, la mobilisation révolutionnaire et du prolétariat de Tunisie imposait le départ du dictateur Ben Ali, puis se poursuivait pour chasser les hommes issus de l’ancien gouvernement.
Forte de cette victoire, la mobilisation s’engageait en Egypte, surmontant répression et manœuvres. Et le 11 février, les manifestations gigantesques et la grève du prolétariat imposaient la démission de Moubarak.
En Tunisie et en Égypte, ces deux victoires révolutionnaires marquent le début d’une nouvelle période durant laquelle les combats de classes vont se poursuivre et s’approfondir.
Ce sont là des événements d’une importance considérable, dont les conséquences se font sentir dans les pays à l’entour mais aussi bien au-delà : la jeunesse et le prolétariat du monde entier suivent avec attention ces bouleversements dont les enseignements seront utiles à leur propre combat. L’ordre impérialiste a commencé de craquer, et ces révolutions ont valeur d’exemples (y compris pour le prolétariat français dont les manifestations contre la réforme des retraites et contre Sarkozy furent conduites à l’échec).
En Tunisie puis en Égypte, c’est un mouvement qui s’est engagé spontanément, et qui s’est développé spontanément en dépit des obstacles, soudé sur un objectif clair : le départ du dictateur.
Certes, nombre de signaux indiquaient que des processus profonds étaient en cours : révoltes ouvrières à Gafsa (Tunisie) en 2008, multiplication des grèves en Égypte avec en particulier l’insurrection ouvrière de Mahala en 2008 ; mais ni la bourgeoisie ni l’impérialisme n’avaient prévu une telle explosion.
Cela est une leçon et un rappel : ce sont les masses qui font l’histoire, non les appareils politiques et syndicaux. Miser sur le mouvement spontané, le préparer politiquement, demeure partout une nécessité.
Dans les deux cas, la jeunesse s’est trouvée aux avant postes de la révolution. Avec le soutien de la population, elle s’est engagée la première dans le combat, et s’est affrontée aux forces de répression.
De même, les femmes ont pris toute leur place dans la révolution, participant ainsi à l’occupation de la place El Tahrir, au Caire, comme elles s’étaient engagées dans l’insurrection de 2008 à Gafsa, en Tunisie.
Dans ce processus révolutionnaire, le caractère de classe a été donné par l’engagement du prolétariat.
Ce sont les grèves ouvrières des années précédentes qui ont « préparé » les événements actuels, et c’est l’engagement du prolétariat qui a fait basculer la situation. Ainsi, en Égypte, les grèves se sont multipliées. À partir du 8 février, c’est une véritable explosion de luttes ouvrières, généralement passées sous silence par les médias officiels, dans les usines textiles, dans le secteur pétrolier, les charbonnages, les transports ferroviaires, etc…et aussi parmi les ouvriers agricoles et fermiers pauvres.
Mais aussi puissant soit-il, tout mouvement spontané se heurte à ses propres limites.
En Égypte comme en Tunisie, c’est la mobilisation qui a fissuré l’appareil d’État, poussant l’armée à se désolidariser de la police, et qui a conduit à des scènes de fraternisation entre soldats et manifestants. De même, c’est dans leur propre mobilisation que les masses ont commencé à organiser leurs propres comités d’autodéfense, prenant parfois (en Tunisie) le caractère de conseils ouvriers. Et pourtant, l’armée a été souvent été perçue comme un rempart démocratique.
Or l’armée et la police sont les deux principaux piliers de l’ordre bourgeois. Les fractures dans l’appareil d’État facilitent l’offensive des masses mais toute illusion à l’égard de l’armée serait une illusion mortelle.
Ainsi, l’état major égyptien a soutenu Moubarak jusqu’à la dernière limite, se substituant à lui quand cela devint indispensable, et appelant aujourd’hui à cesser les grèves.
Ces illusions sont entretenues par les dirigeants politiques et syndicaux qui ont accepté de « négocier » une transition respectueuse du capitalisme et de l’État bourgeois. En Tunisie, certains « opposants » (tolérés ou non par l’ancien régime) et des chefs de l’UGTT ont accepté de participer à un premier gouvernement transitoire tenu pour l’essentiel par les hommes du gouvernement précédent. Sous la pression de la base, les ministres de l’UGTT ont dû démissionner. Mais tous acceptent le processus transitoire et « constitutionnel » défini par l’état major militaire.
De même en Égypte, divers « opposants » (Frères musulmans, parti Tagammou, …) ont d’abord accepté de négocier avec le vice président désigné par Moubarak pour le protéger. Les manifestants de la place El-Tahrir ont affirmé que ces négociateurs ne les représentaient pas. Finalement, Moubarak est tombé…et ces mêmes négociateurs d’hier soutiennent aujourd’hui le pouvoir militaire.
La révolution égyptienne est un échec pour les États-Unis : c’est tout l’ordre impérialiste au Proche et Moyen-Orient qui est déstabilisé, et qui peut désormais s’effondrer. Les États-Unis redoutent que les prolétariats de la région ne menacent les autres régimes qui leur sont inféodés. Et pour le peuple palestinien, après une décennie d’étouffement complet, la révolution égyptienne est un appel d’air.
Pour l’impérialisme français, qui soutenait le régime tunisien, l’échec est également sévère.
Mais les gouvernements impérialistes agissent activement pour défendre leurs intérêts : désormais, ils ne parlent plus que de « démocratie », « d’élections libres » voire d’assemblée constituante !
L’aspiration aux droits démocratiques est profonde. De même la volonté de confisquer toutes les richesses volées sous l’ancien régime et de châtier les bourreaux. De ce fait, la revendication d’une assemblée constituante peut permettre aux masses de centraliser leur combat. Mais ce mot d’ordre est aussi avancé par des forces bourgeoises, qui cherchent à canaliser le mouvement des masses.
Or les masses ont des revendications sociales immédiates (concernant les salaires, le droit au travail, au logement, etc…) qui ne peuvent guère être satisfaites par une démocratisation des constitutions, mais qui impliquent de s’attaquer à la propriété privée des moyens de production, aux intérêts des bourgeoisies tunisienne et égyptienne, et à ceux des puissances impérialistes.
Seules des mesures révolutionnaires (dont l’annulation de la dette, l’expropriation des groupes nationaux et étrangers, une nouvelle réforme agraire, …) peuvent commencer à libérer les travailleurs de la misère.
Le mot d’ordre d’assemblée constituante peut être utile si les travailleurs, l’ensemble de la population exploitée s’organisent de manière autonome de l’appareil d’État, comme ils ont commencé à le faire en Tunisie durant l’insurrection par la mise en place de comités. La construction d’un double pouvoir implique d’organiser et centraliser comités d’ouvriers, d’ouvriers agricoles et de fermiers, de soldats.
Mener ce combat impose la construction d’organisations ouvrières (partis et syndicats) indépendants de la bourgeoise, et d’un parti révolutionnaire dont l’objectif soit d’en finir avec le capitalisme et son État.
En France, toutes les organisations ouvrières se félicitent de la chute des dictatures. Beaucoup disent apporter leur soutien à ces révolutions. Mais en général, le silence est fait sur la question de la dette.
Or, quels que soient les gouvernements qui se mettront en place en Tunisie et en Égypte, s’ils doivent assurer le remboursement des dettes, ce seront les travailleurs tunisiens et égyptiens qui devront les payer.
Le premier combat à engager en France, c’est donc le combat pour l’annulation de la dette, sans condition. C’est cette position qui doit être imposée aux syndicats et aux partis ouvriers. De même faut-il leur imposer qu’ils exigent l’abrogation des accords et traités gérant les flux migratoires.