Le gouvernement du patronat, des banquiers et de l’Église
Ce gouvernement est qualifié de « technique » car il ne comporte pas de ministres issus des partis politiques. C’est un dispositif assez classique en Italie, utilisé souvent comme transition avant de futures élections. Un tel dispositif permet aux partis politiques de ne plus, pour un temps, se trouver en première ligne pour faire passer des mesures impopulaires.
Mais ce gouvernement est en réalité très politique, comme le révèle sa composition.
Et d’abord Mario Monti, le Président du Conseil : il est considéré comme un homme proche de l’Église, et favorable aux contraintes dictées par l’Union européenne, dont il fut l’un des commissaires. Parce que les questions financières seront au cœur de son activité, Monti cumule ses fonctions avec celle de ministre de l’économie et des finances.
À ses côtés, Corrado Passera, un « grand patron », est chargé d’un grand ministère du Développement économique, des infrastructures et des Transports. Cet homme fut le patron de plusieurs grandes entreprises, avant de prendre la tête de la banque Intesa Sanpaolo en 2002.
La bourgeoisie italienne peut compter sur lui pour défendre ses intérêts face au capitalisme français. Avec la banque Intesa Sanpaolo, il multiplia les obstacles pour tenter (en vain) d’interdire aux capitaux français de faire main basse sur le groupe agro-alimentaire Parmalat, puis sur Edison.
Pour mener l’offensive contre les salariés, Monti a choisi Elsa Fornero comme ministre du Travail, des Politiques sociales et de la Parité. Cette universitaire spécialiste de l’assurance vie et de la prévoyance, et vice-présidente du Conseil de surveillance de la banque Intesa Sanpaolo, doit lancer une nouvelle et brutale réforme des retraites, comme l’exigent le patronat italien et par Bruxelles.
Autre choix très politique : le ministère de la Justice est attribué à Paola Severino. Cette avocate et spécialiste du droit pénal, liée aux milieux bancaires, fut l’avocate du banquier Cesare Geronzi, un proche de Berlusconi condamné il y a peu. Berlusconi, menacé de prison à l’issue des divers procès en cours, peut espérer que ses « affaires » seront regardées avec bienveillance… En échange de quoi, il ne mettra pas trop de bâtons dans les roues du gouvernement Monti.
Une autre décision est emblématique : le ministère du Fédéralisme, ministère chéri des autonomistes de la Ligue du nord, disparaît. Ce ministère est remplacé par deux autres, dont les intitulés valent programme : le ministère de la Cohésion nationale, et le ministère de l’Intégration. Ce choix exprime une défaite pour l’organisation xénophobe et réactionnaire dirigée par Umberto Bossi, jusqu’alors composante incontournable des gouvernements de Berlusconi. Il exprime la volonté de la grande bourgeoise nationale italienne, tournée vers la zone euro, de reprendre pleinement la main face au porte parole des petits patrons du nord de l’Italie.
Enfin, le choix d’Andrea Riccardi, au ministère de la Coopération internationale et de l’Intégration est emblématique. Cet historien, spécialiste du Vatican, est le fondateur de la Communauté de Sant’Egidio. Il s’agit d’une institution importante de l’Église catholique, chargée d’interventions diplomatiques discrètes dans nombre d’affaire internationales jugées un peu difficiles, comme l’organisation d’un dialogue entre le gouvernement algérien et ses opposants.
Dans le même sens dot être apprécié le choix, comme ministre de la culture, de. Lorenzo Ornaghi, le recteur de l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan.
Et, avec Corrado Passera, Andrea Riccardi et Lorenzo Ornaghi ont participé, au début de l’automne à Todi, à une rencontre entre patrons et syndicats chrétiens, au cours de laquelle fut préparée la succession de Berlusconi.