Nouveaux développements de la crise économique et financière
Au cours du printemps 2011, nombre d’analystes avaient considéré que la crise ouverte en 2007 touchait à sa fin et que la reprise, à défaut d’être vigoureuse, était engagée. L’été arrivant se chargea de balayer cet optimisme.
Il y eut d’abord, en juin et juillet, de nouveaux rebondissements de la crise financière des États, et cela de part et d’autre de l’Atlantique : nouvelles menaces sur la dette grecque, se traduisant par des mesures de rigueur supplémentaires ; menaces sur les dettes du Portugal, de l’Espagne et de l’Italie, conduisant à une avalanche de mesures de rigueurs. Durant le même temps, aux États-Unis, se durcissait le bras de fer entre Démocrates et Républicains pour trouver un accord qui permette d’accroître encore la dette de l’État américain.
Finalement, les mesures adoptées en Europe, et notamment le second plan de refinancement de la dette grecque adopté le 21 juillet, semblèrent offrir une rémission à la zone euro. Et, aux États-Unis, un accord était enfin trouvé permettant de poursuivre le déficit budgétaire au moins jusqu’en 2013, tout en engageant un sévère plan de rigueur visant à réduire ce déficit budgétaire et à contenir la dette.
Ce fut aussitôt un vent de panique sur les places boursières. En quelques jours, un mini krach frappait les Bourses, amplifiant un processus de baisse des indices engagé dès juillet. Bien évidemment, on cria haro sur l’agence de notation.
Mais le mal était fait, et désormais on ne pouvait plus guère ignorer les vrais problèmes : comment faire face à l’ampleur des dettes souveraines, et comment accentuer la rigueur sans faire rechuter l’économie ni multiplier les insurrections sociales et politiques ?
En Grèce en particulier, la politique de rigueur, aussi impitoyable soit elle pour les salariés, n’arrivait pas à tenir ses objectifs de réduction de la dette. Car la rigueur accentue la récession, réduisant mécaniquement les rentrées fiscales. Au même moment, il apparut soudain que la récession économique menaçait de nouveau la planète tout entière, en particulier les États-Unis, une grande partie de l’Europe et le Japon.
Au fond, c’était le même problème qui touchait les grandes puissances : les plans de relance adoptés en 2008 pour contenir la crise économique voyaient leur effet prendre fin, et n’avaient servi qu’à reporter les échéances, en même temps qu’ils avaient poussé le niveau d’endettement des États à de niveaux insoutenables. Et les plans de rigueur qui se multipliaient pour faire face à ces dettes asphyxiaient eux mêmes toute éventuelle reprise. Or, d’un côté, banquiers et fonds spéculatifs exigeaient une politique garantissant que les titres d’État leurs seraient bien remboursés, et de l’autre ces mêmes financiers désertaient les Bourses, considérant qu’une nouvelle récession menacerait les profits des entreprises et les dividendes distribués… C’est ainsi qu’entre le 22 juillet et le 12 septembre, l’indice du CAC 40 à la Bourse de Paris chuta de 25 %.
Ainsi, le 2 septembre, un chroniqueur économique était conduit à écrire : « La folie des marchés cet été a démontré que la crise était beaucoup, beaucoup, beaucoup, plus grave qu’on l’a cru. La reprise nous avait illusionnés » (Eric le Boucher, Les Échos)
Durant septembre, les soubresauts se poursuivirent sur les places boursières, la crise étant alimentée par les « mauvaises nouvelles ». L’un après l’autre, les indicateurs économiques pour l’Europe et les États-Unis confirmaient que la reprise avait désormais fait long feu ; en Europe, les réticences à poursuivre le refinancement de la dette grecque allaient croissant, la Grèce ayant désormais de moins en moins d’espoir d’échapper à la faillite. Et partout, les gouvernements donnaient l’impression qu’ils ne savaient plus comment répondre aux menaces qui se rapprochaient.
Mais toutes les lois et plans anti-ouvriers déjà mis en œuvre n’ont pas suffit à surmonter une crise dont l’ampleur résulte du fait qu’elle est le produit d’une accumulation extraordinaire de mesures destinées à repousser les échéances.
Mais cette crise, ainsi contenue au niveau financier, ne s’en poursuivie pas moins sous la forme classique d’une crise économique. En 2008, le Produit intérieur brut (PIB) chuta sévèrement aux États-Unis et dans la plupart des pays d’Europe, et le chômage explosa.
Les gouvernements eurent donc recours à la potion qui s’était avérée si utile dans le passé : outre des taux d’intérêt quasi nuls, contribuant à contrecarrer la baisse du taux de profit, les gouvernements décidèrent de nouveaux et massifs plans de « relance ». Ainsi l’industrie automobile (en difficulté en Europe, moribonde aux États-Unis) fut-elle sauvegardée et réanimée par des prêts à taux très faibles, des primes à la casse, etc…
Il en résulta un début de reprise de la croissance économique, aux États-Unis à la fin de l’année 2009 et en 2010, et dans plusieurs pays européens.
Mais sur le fond, rien n’était réglé. Dès que l’effet des plans de relance eut pris fin, la production replongea. Aux États-Unis, après une remontée du taux de croissance du PIB à 3,1% en 2010, ce taux retombait à 0,4% au début de l’année 2011. Or cet épuisement des effets des plans de relance survient au moment où l’ampleur des dettes accumulées par les États, suscitant l’inquiétude générale, pousse les prêteurs à exiger des taux d’intérêts exorbitants pour des pays tels que l’Irlande, le Portugal et la Grèce.
Aux plans de relance succédèrent donc des plans de rigueur destinés à « rassurer » les marchés, c’est-à-dire les acheteurs de titres d’État, et donc à mettre fin à l’envol des taux d’intérêts menaçant nombre de pays. Ces plans de rigueur rajoutèrent leurs effets récessifs. L’été 2011 est donc marqué par la conjonction insoluble des deux « nécessités » contradictoires au bon fonctionnement de l’économie capitaliste : freiner l’endettement et la hausse des taux d’intérêt, et en même temps relancer une production défaillante.
La seule alternative à cette politique qui eût été possible, aurait été d’engager le combat pour mettre à bas le système capitaliste. Mais de cela, le PCF ne voulait pas. Bien au contraire, membre à part entière du premier gouvernement après l’élection de Mitterrand en 1981, il soutint pleinement la politique mise alors en œuvre pour préserver les intérêts du capitalisme français.
Encore faut-il préciser un point trop souvent négligé : ce qui ouvrit la voie à ce formidable endettement, ce fut la possibilité immensément développée d’émettre du papier monnaie qui résulta de la décision prise par Nixon en 1971. Cette décision fut dictée par la situation désastreuse des finances américaines : Nixon fut contraint d’annoncer que désormais le dollar ne pouvait plus être échangé contre de l’or. Depuis, toutes les monnaies ne sont que du papier monnaie… dont les États et les banques centrales tentent vaille que vaille de préserver une « valeur » qui n’est que fiction. Or, ces États sont désormais couverts de dettes, et les banques centrales américaine et japonaise sont gorgées de titres de dettes émis par ces États… et qui ne seront certainement jamais remboursés. Le miracle est que cela ait pu tenir jusqu’à ce jour ! Mais aujourd’hui, la faillite d’un ou plusieurs États menacerait les banques et discréditerait les grandes dettes souveraines… et les monnaies papier avec. Un feu d’artifices en perspective, qui panique banquiers et institutions financières. Dans cette situation, toutes les mesures vont être imaginées pour tenter de reporter, une fois encore, les échéances, et en particulier d’éviter que la Grèce ne sorte de la zone euro.
La seule alternative à cette fuite en avant, c’est donc d’en finir avec la propriété privée des banques et des moyens de production.