L’urgence : briser la nasse politique qui entrave la classe ouvière et la jeunesse
Pour tous les travailleurs, la défaite de Sarkozy le 6 mai fut un immense soulagement, même s’ils avaient peu d’illusions, voire n’avaient aucune illusion, dans la politique que Hollande allait ensuite mettre en œuvre. Et, cinq mois après, ils ne regrettent pas ce vote.
Mais sur le fond, rien n’a changé depuis l’élection de François Hollande.
Certes, l’atmosphère semble moins irrespirable, mais la crise économique se poursuit, et le chômage vient de dépasser, officiellement, le seuil des trois millions de chômeurs. Et les annonces de fermetures d’entreprises et de plans de licenciements se sont multipliées.
Le 5 juillet, le laboratoire pharmaceutique Sanofi annonçait un « plan social » touchant 1371 postes.
Le 12 juillet, la direction de PSA Peugeot Citroën déclarait vouloir supprimer 8000 postes de travail en deux ans, dont 1400 emplois à l’usine de Rennes, et la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois.
Le 17 juillet, à la suite du comité central d’entreprise de Doux, l’industriel breton de la volaille placé en redressement judicaire, les délégués syndicaux annonçaient que c’est « au minimum » 1500 licenciements qui auraient lieu, pour 3700 salariés.
Et le 1er octobre, c’était la direction d’Arcelor Mittal qui annonçait la fermeture des deux hauts fourneaux du site de Florange, qui étaient à l’arrêt depuis 14 mois. Cela entraîne la suppression de 629 postes. À terme, c’est l’ensemble des 2500 salariés du site qui sont menacés.
À ces plans s’ajoutent une multitude d’autres licenciements et fermetures d’entreprises dont les medias ne parlent guère, et qui touchent les petites et moyennes entreprises.
Ces licenciements massifs, cette hausse du chômage, ne touchent certes pas que la France, mais ils sont mis à profit par les patrons pour exiger des travailleurs davantage de productivité, une remise en cause de leurs acquis, voire une baisse nette de leurs salaires.
Certes, en général, les travailleurs ne font pas porter la responsabilité des licenciements au gouvernement. Ils savent que la crise du capitalisme se poursuit et que ce sont les patrons, au compte des actionnaires, qui organisent les licenciements pour préserver leurs profits.
Mais la mise en cause de la politique du gouvernement commence à s’exprimer : lors d’une manifestation, des salariés de l’usine PSA d’Aulnay-sous-Bois ont rebaptisé Arnaud Montebourg : le ministre du Redressement productif est devenu le « ministre improductif ». Au-delà du ministre lui-même, cela revient à poser la question : à quoi sert le gouvernement ?
Car dans nombre d’autres domaines, il apparaît que la politique du gouvernement dirigé par JM Ayrault s’inscrit dans les pas de son prédécesseur. Emblématique, à ce titre, est la politique de Manuel Valls, ministre de l’intérieur, à l’égard des Sans papiers et des Roms, expliquant en juin que sa politique « migratoire » est « humaniste » (sic) tout en affirmant qu’ « être de gauche, ce n’est pas régulariser tous les sans-papiers ». Et Valls poursuit les expulsions, (cf. page 17), refusant de régulariser davantage de sans-papiers que ne l’a fait le précédent gouvernement.
De même, Valls cherche à contourner une décision de la Cour de cassation qui, le 5 juillet, a interdit que l’on place les sans-papiers en garde à vue (durant 24 heures) comme la police s’en arrogeait le droit. Or, on ne peut retenir une personne plus de quatre heures quand il s’agit de vérifier son identité, ce que la police juge insuffisant pour engager une procédure d’expulsion. Valls propose donc un texte qui autorise la rétention durant 16 heures : une garde à vue à peine déguisée !
Cette continuité avec la politique de Sarkozy et de Fillon est générale : ainsi, à l’Université, la ministre Fioraso, en accord avec le programme de Hollande, entend préserver la loi d’autonomie des universités, la LRU, pour ne la corriger qu’à la marge, et consolider l’autonomie.
Ainsi Peillon, ministre de l’enseignement, veut faire mieux que ses prédécesseurs : dès la sixième, les élèves auraient droit à des séances de découverte de l’entreprise, destinées à promouvoir l’esprit entrepreneurial, ou… les études courtes fondées sur l’alternance et l’apprentissage : « Le stage de troisième est insuffisant. Il faut créer des véritables parcours d’information et d’orientation, pour faire découvrir l’entreprise et les métiers dès la sixième et cela jusqu’à l’université ».
Et, tout comme dans le privé, dans toutes les entreprises sous contrôle de l’État, entreprises de service publics et services de la Fonction publique, les conditions de travail demeurent exécrables, la hiérarchie multipliant les pressions pour améliorer la productivité et briser ceux qui tentent de se rebeller ; ce n’est pas un hasard si Peillon s’est explicitement refusé à annuler les sanctions dont ont été victimes les « désobéisseurs » et personnels qui refusaient la politique de ses prédécesseurs, sous prétexte qu’un enseignant doit appliquer les lois en tant que fonctionnaire.
Bien évidemment, à poursuivre cette politique, à laisser se multiplier les plans de licenciements, le gouvernement sait qu’il s’expose, tôt ou tard, à des réactions, à de puissantes mobilisations.
Certes, depuis le 6 mai, il a eu le terrain libre, mais ce « calme » est d’autant plus précaire que, dans les ministères, on s’active à élaborer nombre de projets qui vont susciter la réaction de la jeunesse et des travailleurs : projet de « refondation » de l’école, projet menaçant le Supérieur et la Recherche, projets concernent la flexibilité et les contrats de travail, les retraites et la Sécurité sociale, etc.
Et ces projets sont préparés jour après jour par la concertation avec les directions syndicales.
Or, tout est fait pour ne pas ébruiter le contenu exact de ces chantiers préparés à marche forcée, et pour masquer la manière avec laquelle se met en place une nasse destinée à entraver les travailleurs.
Il est donc nécessaire de revenir sur les étapes qui ont marqué la construction de cette nasse politique, et de mettre en lumière le rôle décisif des directions syndicales, ainsi que le rôle des partis qui se réclament de la « majorité » tout en se situant en dehors du gouvernement.
Ce collectif budgétaire, discuté et voté en juillet, a permis de modifier le budget en cours d’exécution pour l’année 2012, budget que l’ancienne majorité UMP avait voté à l’automne 2011.
Pour montrer que les « promesses » de Hollande seraient tenues, des mesures symboliques furent votées, dont l’abrogation de la TVA « sociale » décidée par Sarkozy (cf. p 9). Le gouvernement offrait ainsi aux dirigeants syndicaux la possibilité de proclamer qu’ils avaient été « entendus », et de justifier qu’ils s’engagent dans le dialogue social avec le patronat et le gouvernement, ce dernier ayant fait de l’approfondissement du dialogue social la pierre de touche de sa politique.
En même temps, ce collectif, dont le premier objectif était de « redresser les comptes publics », ouvrait la voie à la rigueur. Le ministre de l’économie, Pierre Moscovici, fut clair : « Il s’agit de la première étape d’un redressement budgétaire qui se déroulera sur l’ensemble du mandat (...). C’est aussi la première étape d’une profonde réforme du système fiscal ». Mais la presse fut discrète sur les coupes qui touchèrent la Santé, l’Enseignement supérieur et la Recherche.
Tandis que les débats sur le collectif budgétaire se tenaient à l’Assemblée, le gouvernement organisait, les 9 et 10 juillet, la Grande Conférence sociale (cf. page11), réunissant les organisations patronales et les directions des syndicats de travailleurs. L’objectif avait été fixé le 3 juillet par Jean-Marc Ayrault : « Tout sera mis sur la table (…). Rien ne sera tabou. Tout devra être posé, si nous voulons parvenir à de nouveaux équilibres, dans un compromis à bien des égards historique ». De fait, certains des thèmes prévus correspondaient aux demandes du patronat.
Certes, à l’issue de la conférence, madame Parisot fit preuve de mauvaise humeur, le gouvernement n’ayant soi-disant pas entendu toutes les exigences du MEDEF, concernant notamment « la flexisécurité » et la « compétitivité des entreprises ». Mais cela relève du jeu de rôle.
En effet, Jean-Marc Ayrault a annoncé une négociation sur la « sécurisation de l’emploi », autre formule pour désigner la flexisécurité, et a confié à Louis Gallois « une mission sur la compétitivité de l’industrie ». Or Laurence Parisot sait que cet ancien patron d’EADS milite pour réduire les cotisations patronales, à hauteur de 30 à 50 milliards d’euros. Et Parisot note « avec satisfaction que le Premier ministre aborde la question du financement de la protection sociale et le fait courageusement » avec « un calendrier assez serré, c’est un bon signe ». Il résulte de cette conférence une « feuille de route » qui, en 28 pages, aborde tous les sujets qui seront soumis à réforme, en fixant une méthode : le dialogue social et la recherche du consensus. |
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De fait, l’essentiel est là : le « grand dialogue social » s’est engagé depuis juillet avec les syndicats et le patronat, et c’est à marche forcée que le gouvernement peut ainsi préparer, dans tous les domaines, une avalanche de textes plus réactionnaires les uns que les autres.
À l’étape actuelle, les directions syndicales participent à l’élaboration de ces textes, encourageant ainsi patronat et gouvernement dans leurs projets. C’est le cas dans l’enseignement et à l’Université.
L’une des premières applications de ce programme fondé sur le dialogue social a été, en septembre, le vote instaurant les contrats d’avenir (cf page 12), un nouveau type d’emploi précaire et financé pour une grande part par l’État, pour le plus grand bonheur de l’employeur.
Durant ce temps, les directions syndicales n’organisent aucune mobilisation. Mais il faut prévoir que, le moment venu, après avoir cautionné ces projets, elles poussent des cris d’indignation et appellent à quelques actions, alors que tout sera ficelé. La première exigence, absolument centrale, est que les syndicats rompent immédiatement ce dialogue et informent du contenu de ces projets.
Une autre exigence est que les syndicats, au lieu d’adapter leurs « revendications » aux demandes du patronat, défendent les revendications des salariés, par exemple : au lieu de revendiquer une « sécurisation de l’emploi », formule caoutchouc qui ouvre la voie aux projets patronaux contre les contrats de travail, les syndicats doivent militer pour interdire tous les licenciements, pour le retour à de véritables indemnités de chômage et, au-delà, pour la diminution massive du temps de travail sans baisse de salaire, ni flexibilité. Alors commencerait à être sécurisé non pas « l’emploi » mais le salarié sur son poste de travail (au nom de la « sécurisation de l’emploi », on peut créer en effet des postes mobiles dans un bassin d’emploi, avec des employeurs divers pour des tâches multiples).
Sur le plan politique, le PS, qui a obtenu à lui seul la majorité absolue à l’Assemblée nationale, structure le gouvernement, avec le renfort des Verts et des Radicaux (dits « de gauche »). La politique qu’il met en œuvre est conforme à sa « déclaration de principes » adoptée en juin 2005, qui se réclame de l’ « économie sociale de marché », c’est-à-dire du capitalisme (le « marché »), et de la co-gestion qui transforme les syndicats en béquille du patronat, sur le modèle allemand.
De même le programme de celui qui était, au printemps, le « candidat » Hollande affirmait pleinement son objectif d’aider le capitalisme français à surmonter ses difficultés.
Il n’est donc pas difficile de constater qu’avec ce gouvernement, sur le fond rien ne change, et de crier haro sur le « social libéralisme ». C’est ce à quoi s’emploie par exemple le Parti de gauche de Mélenchon. Mais outre le fait que le mot « social libéralisme » ne veut pas dire grand-chose (c’est depuis 1914 que la social démocratie montre qu’elle défend en pratique le capitalisme, c’est-à-dire la propriété privée des moyens de production), quelle est donc la politique du Front de gauche ?
Lors de l’élection présidentielle, Mélenchon fut le candidat du PCF et du Parti de gauche (et de divers petits groupes), sous la bannière du Front de gauche. Son langage plus « radical », combinant républicanisme et envolées lyriques plus ou moins « révolutionnaires » rencontra un écho certain.
Mélenchon obtint 11% des voix, ce qui témoignait, sur le plan électoral, d’une réelle volonté de combattre contre le capitalisme. Au soir du premier tour, il appela à voter « pour battre Sarkozy ». Pierre Laurent précisa aussitôt : « Battre Nicolas Sarkozy, ça veut dire voter François Hollande ».
Depuis, le Front de gauche n’étant pas membre du gouvernement, quel rôle jouent le PCF et le PG ? En quoi aident-ils, ou non, les travailleurs à engager le combat ?
Constatons simplement que Mélenchon ne rate aucune occasion de vitupérer contre Hollande et le gouvernement, se posant comme « alternative » pour un autre gouvernement. Mais avec Hollande ?
Et, depuis cinq mois, il a fait du combat contre la signature du nouveau traité européen, et pour un referendum, l’axe de sa politique. Car, pour lui comme pour le PCF, ce traité contraindrait tout gouvernement à mettre en œuvre la rigueur dictée par les « autorités » de Bruxelles.
Mais, si Mélenchon critique beaucoup Hollande, il ne remet pas en cause un instant la politique du dialogue social initiée par le gouvernement et dans laquelle se sont engouffrés les dirigeants syndicaux. Or cette politique de dialogue social est indispensable au gouvernement s’il prétend tenir ses objectifs d’équilibre budgétaire, qui sont également ceux de « Bruxelles ».
Il en est de même du PCF, qui n’a de cesse d’approuver les discussions conduites par les dirigeants syndicaux depuis la grande conférence, et notamment par ceux la CGT et de la FSU.
Il est d’ailleurs notable que le PCF, véritable maître du Front de gauche, se montre bien moins virulent que Mélenchon à l’égard du gouvernement…
Le premier acte fort du PCF se situe lors du vote pour l’investiture du gouvernement. Le Front de Gauche justifia son absence du gouvernement. Ce fut fait sur la base d’un savant balancement. D’un côté, des compliments : ainsi, André Chassaigne se « réjouit » des mesures qui vont « dans le bon sens », indique que « des convergences sont possibles pour les différentes composantes de la majorité de gauche » dont il considère faire partie... et évoque des « combats que nous pouvons mener de front » car « nous voulons que la gauche réussisse - nous le voulons vraiment ! ». D’un autre côté, quelques critiques concernent l’insuffisante hausse du SMIC et le refus que soit organisé un referendum sur la question du traité européen. Sur cette base, il conclut « Voilà pourquoi les députés Front de gauche s’abstiendront aujourd’hui sur ce vote de confiance ».
Même tonalité au Sénat, où Nicole Borvo Cohen-Seat, pour le groupe Communiste républicain et citoyen, déclare être partie prenante « de la majorité de gauche et souhaitant qu’elle réussisse ».
C’est donc un soutien « critique », partiel, qui est exprimé par cette abstention.
Et, le 31 juillet, lors du vote du collectif budgétaire, ce « soutien critique » du groupe Front de Gauche (incluant l’unique député du PG) se manifeste par un vote unanime « pour » ce collectif.
Un même type de soutien s’exprime en septembre, à l’occasion du vote à l’Assemblée, concernant la loi sur les contrats d’avenir, nouvelle forme de contrats précaires.
Ainsi, le Front de gauche, qui n’est pas membre du gouvernement, contribue-t-il par ce soutien à entraver la nécessaire mobilisation des travailleurs pour leurs revendications.
Le PCF n’est pas aujourd’hui membre du gouvernement : c’est une différence avec le gouvernement de l’Union de la Gauche (1981), ou avec celui dirigé par Jospin en 1997. Et, à proprement parler, le gouvernement Ayrault n’est pas un gouvernement de front populaire. Encore faut-il rappeler qu’en 1936, le PCF soutenait de l’extérieur le gouvernement de front populaire dirigé par Blum.
L’essentiel, c’est la fonction politique d’un gouvernement de front populaire : donner l’illusion que l’unité est réalisée entre les partis issus du mouvement ouvrier, alors qu’il s’agit d’une fausse unité, d’une « unité » élargie à des représentants de partis bourgeois (tels les Radicaux « de gauche »). L’objectif étant de canaliser les masses, et si possible d’éviter toute irruption des masses.
Dans le dispositif présent, il y a des éléments d’un dispositif de front populaire, un front populaire en pointillés. Cela est clair quand le PCF déclare appartenir à la même « majorité » que le PS.
En même temps, le Front de gauche impulse une mobilisation prétendant remettre en question certains aspects de la politique gouvernementale. C’est le cas de la manifestation organisée le 30 septembre contre la signature du Pacte européen de stabilité budgétaire.
Initiée par le Front de gauche, soutenue par le NPA et quelques syndicats (Solidaires, certaines sections de la CGT), cette manifestation exigeait que ne soit pas ratifié le nouveau traité européen de stabilité budgétaire, pour lequel Sarkozy avait donné son accord au début de l’année. Hollande avait affirmé qu’il ne le signerait que s’il était renégocié. Après son élection, un vague plan de relance ayant été adjoint au traité, il se prononça pour la signature. Mais pour les opposants au texte, ce traité, coercitif, soumet désormais les signataires à une inflexible politique de rigueur.
Certes, il est juste de combattre contre la ratification de ce pacte qui réaffirme l’exigence de rigueur budgétaire. Mais un gouvernement qui ne le ratifie pas sera tout autant contraint, pour honorer sa dette, de mener une politique de rigueur, ou d’emprunter à des taux exorbitants…. Ou alors…
Ou alors, il faut engager une offensive globale contre les maîtres de la finance : refuser de payer la dette souveraine (exception pouvant être faite pour les petites économies « populaires »), exproprier l’ensemble des banques et institutions financières, reprendre si besoin le contrôle de la monnaie, rompre avec l’Europe des capitalistes. Mais de cela, ni le PCF ni le PG ne veulent, car ils souhaitent rester dans la zone euro, proposent « un » pôle bancaire public à côté des banques privées, et ne veulent pas annuler la dette souveraine. Sur ces questions, ils ne diffèrent donc guère du PS.
De ce fait, et intuitivement, nombreux furent ceux qui estimèrent que cette manifestation n’empêcherait pas la signature du traité (ce dont convenaient les organisateurs) et ne répondait pas aux préoccupations immédiates des travailleurs. Son succès fut donc moyen. Ce sont néanmoins 30 000 manifestants environ qui défilèrent contre tout ce qui relève d’une politique de « rigueur » et de défense du capitalisme. Ce résultat n’est pas insignifiant, et constitue la première expression publique d’une volonté de reprendre le combat contre la bourgeoisie.
Parce qu’il refuse de s’attaquer à la propriété privée, le gouvernement est impuissant face à PSA ou à Arcelor Mittal, qui ferment des sites industriels entiers. Alors que le propriétaire qui détruit des capacités de production qu’il juge excédentaires, c’est l’expropriation qui s’impose : non pas la « réquisition » (qui porte sur l’usage et non sur le droit de propriété), mais l’expropriation de tout le site, cokerie et train à froid inclus, car les hauts fourneaux seuls ne peuvent survivre.
Précisons : expropriation sans indemnité. D’ailleurs, Mittal n’a même pas fait les investissements nécessaires pour maintenir les fours à niveau. Précisons enfin : il ne s’agit pas d’aller vers de fausses solutions du type « coopératives » ou « entreprises autogérées », conduisant les travailleurs à s’auto-exploiter. La structure même de cette industrie, sa place dans l’économie, implique que le fonctionnement soit assuré par l’État, à ses frais, et cela sous le contrôle des travailleurs.
De fait, la « nationalisation » a été revendiquée au mois de juin par les sidérurgistes, par un syndicaliste FO de l’entreprise, et par l’Union départementale FO. Cette exigence dérange.
Ainsi la direction de la CGT se tortille : Bernard Thibault, le 1er octobre propose une « maîtrise publique » du site, en expliquant que « le mot nationalisation n’est peut être pas satisfaisant ».
Montebourg répond, le 30 septembre, que cette solution « n’était pas à l’ordre du jour », en affirmant « À chaque fois qu’on a nationalisé, l’État n’a pas été un très bon gestionnaire ».
Mais « bon gestionnaire » pour qui ? Dans les années 80, le gouvernement nationalisa (avec indemnités), licencia massivement et investit. Puis ce fut privatisé. Il ne s’agit pas de recommencer.
Peu importe les hésitations de Thibault et le refus de Montebourg : le mot d’ordre d’expropriation de tout le site, de nationalisation sans indemnité ni rachat, peut devenir un mot d’ordre décisif travailleurs, et repris par l’ensemble de la classe ouvrière qui comprend qu’imposer une telle exigence serait une première victoire pour tous. Ce mot d’ordre doit devenir celui de l’ensemble des syndicats, et de tous les partis et organisations qui se réclament de la défense de la classe ouvrière : Front unique pour l’expropriation de la sidérurgie à Florange ! Cela vaut aussi pour PSA.
Combattre pour que l’unité des organisations « ouvrières », partis et syndicats, se réalise sur un tel mot d’ordre, combattre pour imposer à la majorité des députés (PS et PCF ) à l’Assemblée qu’elle décide l’expropriation de Florange, est nécessaire et possible : n’y a-t-il pas à l’Assemblée une majorité de députés PS et PCF qui ont été élus pour en finir avec la politique de Sarkozy ?
Cela vaut pour toutes les revendications de la classe ouvrière, comme le retour aux 37,5 annuités pour les retraites, l’interdiction des licenciements et la réduction du temps de travail sans baisse des salaires, la suppression les exonérations de cotisations sociales patronales, etc. Cela implique donc le combat contre les projets gouvernementaux et pour la rupture du dialogue social.
Certes, ce n’est ni le PS, ni le PCF, ou ses associés, qui mèneront un tel combat. Mais de puissants mouvements spontanés, des mobilisations qui s’auto-organisent sur le mode, par exemple, des coordinations nationales étudiantes, avec leurs propres mots d’ordre et directions, peuvent lever nombre d’obstacles. C’est ce à quoi il faut contribuer.
C’est dans ce processus que peut et doit être construit un parti révolutionnaire, c’est-à-dire un parti qui permette à l’ensemble de la classe ouvrière d’avancer dans la voie qui mène au socialisme.
2 octobre 2012