Edito : Défendre les travailleurs implique de s’attaquer à la propriété capitaliste
Depuis 6 mois, suffisamment d’éléments se sont accumulés pour que les travailleurs puissent juger de la politique du gouvernement. Certes, la satisfaction de s’être débarrassé de Sarkozy et de la majorité UMP demeure entière, mais la politique suivie par Hollande et par le gouvernement n’a répondu à aucune des revendications des travailleurs. Bien au contraire.
Cette politique répond d’autant moins à ce que veulent les travailleurs que, la crise économique et financière se poursuivant, le patronat accélère les fermetures d’entreprises. Ainsi, à Peugeot, ce sont maintenant 9500 suppressions d’emplois qui sont annoncées. Et la hausse du chômage est, pour la bourgeoisie, un puissant levier pour bloquer les salaires, aggraver les conditions de travail, exiger plus de flexibilité, comme à Renault ou à Arkéma.
Jour après jour s’accumulent ainsi les conditions pour que surgisse une vague de luttes, une puissante mobilisation sociale. Une telle vague peut survenir à tout moment. Mais pour l’instant, même si ont lieu nombre de conflits locaux, ceux-ci ont été limités. Cela mérite explication.
Au-delà de quelques mesures symboliques, aucune des revendications pour lesquelles les travailleurs et la jeunesse ont combattu avant de chasser Sarkozy n’a été satisfaite. Ainsi la loi d’autonomie des universités contre laquelle les étudiants ont mené une longue grève en 2007, puis de nouveau en 2009 avec les enseignants, sera préservée après un léger lifting. De même la loi sur les retraites, contre laquelle des millions de travailleurs ont fait grève et manifesté durant l’automne 2010, a été entièrement maintenue après une correction marginale qui ne touche qu’une toute petite partie des salariés (ceux qui ont cotisé plus de 40 ans).
Le gouvernement a refusé même de s’attaquer à des mesures prises par Sarkozy dont l’abrogation ne lui aurait rien coûté, comme le système base-élève (qui fiche les élèves) ou le LPC instituant un livret de compétences qui suivra ensuite les travailleurs tout au long de leur vie, à l’image du livret du travail du XIXème siècle dont les travailleurs avaient obtenu la suppression. Et les enseignants qui avaient été sanctionnés pour leur refus de mettre en œuvre ces dispositifs intolérables (que rejetaient aussi nombre de parents) n’ont pas obtenu la levée des sanctions alors qu’ils méritaient d’être félicités : Peillon l’a refusé car un « fonctionnaire a devoir d’obéissance ». On ne saurait afficher une plus claire volonté de poursuivre la politique de son prédécesseur.
Même continuité avec Manuel Valls, ministre de la police : si son discours se veut parfois un peu moins agressif que celui du gouvernement précédent, son action demeure identique. Alors que nombre de mobilisations exigeaient la régularisation de TOUS les sans papiers, et l’arrêt des expulsions, le nombre d’immigrés expulsés reste inchangé, et les régularisations sont toujours faites sur critères et au cas par cas. Quant aux forces de répression, il n’est même pas question de leur retirer flash balls, Tasers et grenades assourdissantes dont il est fait un usage incessant et qui provoquent des blessures gravissimes (les juges ont dû reconnaître qu’on ne pouvait parler de diffamation quand on explique que le Taser peut tuer).
Certes, on pourra toujours dire que, sur ces questions comme sur d’autres, Hollande et le Parti socialiste ne font que mettre en œuvre le programme sur lequel ils ont mené leur campagne électorale. Mais dire cela, c’est oublier que, s’ils ont été élu, c’est d’abord parce que les électeurs, parce que l’immense majorité des travailleurs ont voulu chasser Sarkozy et la majorité UMP à L’Assemblée ; c’est oublier que cette volonté de chasser Sarkozy s’était exprimée bien avant les élections, par d’immenses mobilisations qui ont ponctué les année Sarkozy ; et c’est oublier le fait que si les travailleurs ont dû ensuite utiliser le terrain électoral, c’est parce que, durant la mobilisation de 2010 notamment, les dirigeants syndicaux, comme ceux du PS et du PCF, ont refusé de remettre en cause la légitimité de Sarkozy, renvoyant grévistes et manifestants aux élections du printemps 2012.
Mais en chassant Sarkozy et l’UMP, les travailleurs et la jeunesse ont manifesté la volonté que les lois et réformes ultra réactionnaires de Sarkozy soient balayées. En refusant de le faire, Hollande et le PS (avec l’aide d’Europe Ecologie-les Verts et des très bourgeois radicaux « de gauche ») se dressent contre la volonté qui s’est exprimée par toutes ces mobilisations et lors des élections du printemps 2012.
Il faut reconnaître que, dans la mise en quasi-totalité de sa politique, Hollande dispose de solides appuis.
Très lucidement, Hollande savait - dès avant son élection - qu’il ne pourrait être élu que grâce au vote des salariés, et que les travailleurs ne l’éliraient pas pour son programme (tout à fait réactionnaire quand on prend la peine d’en lire la version « longue »), mais pour en finir avec Sarkozy et sa politique. Très lucidement, Hollande savait que la défense du capitalisme français impliquait non pas d’abroger les lois et les mesures réactionnaires de Sarkozy mais au contraire de les préserver, avant de prolonger par d’autres tout aussi réactionnaires.
Devenu Président de la République, Hollande a donc mis en œuvre la méthode qu’il avait annoncée : ne rien faire sans consulter les « partenaires » sociaux, c’est-à-dire les syndicats et les patrons, ne rien faire sans une relance nouvelle et sans précédent du « dialogue social ». Ce dialogue social fut lancé par la Grande conférence de juillet 2012, et n’a depuis cessé de se poursuivre jour après jour. Il n’y a pas un projet de loi, pas une décision, qui ne soit précédé d’une longue phase de discussions avec les directions des syndicats de travailleurs et avec les représentants du patronat.
Certes, cette politique a pu donner l’impression (entretenue par les medias) que Hollande n’agissait pas. Mais, ce faisant, Hollande et son gouvernement ont d’abord évité une explosion sociale qui était redoutée au lendemain même de son élection, explosion d’autant plus redoutée que la volonté d’obtenir satisfaction sans attendre était grande parmi les salariés. Ils ont ensuite pu élaborer, de concert avec les directions syndicales, tout un ensemble de projet de lois qui confortent et approfondissent les politiques réactionnaires antérieures. Nombre de lois et mesures sont annoncées pour le début de l’année 2012. Le premier, concernant l’école, vient déjà d’être rendu public
Si l’appui des directions syndicales est décisif pour éviter une explosion sociale, celui du Front de gauche ne l’est pas moins, d’autant qu’il y a une imbrication étroite entre une partie des directions syndicales (dont celles de la CGT et la FSU) et les partis composant le Front de gauche (essentiellement le PCF, le PG et, de manière complémentaire, de groupes issus de ruptures diverses au sein du NPA, des Verts ou du PCF). Officiellement, le Front de gauche ne fait pas partie du gouvernement. Mais très officiellement, il ne fait pas partie de l’opposition… Pour les dirigeants du PCF, le Front de gauche fait partie de la « majorité », et ne cesse de faire des propositions pour une meilleure politique du gouvernement. Mélenchon, lui, aime à jouer au tribun radical, mais les faits sont têtus : les élus du PCF avec l’unique député du PG se sont abstenus en juillet lors du vote d’investiture du gouvernement, puis le Front de gauche unanime a voté pour le collectif budgétaire de juillet : or, si ce collectif comportait quelques mesures « progressistes », il était surtout le premier acte de la politique de réduction du déficit budgétaire, se traduisant par des hausses d’impôts (y compris pour les travailleurs) et des coupes budgétaires (dans la santé et la recherche).
Et depuis, quasi tous les votes du Front de gauche alternent entre abstentions (comme le vote des rentrées fiscales, très dures pour les salariés) et votes « pour » (par exemple, vote pour les contrats d’avenir instaurant un nouveau type de contrats précaires). Rares sont les cas où il a voté « contre ».
Au-delà, le Front de gauche refuse toute campagne politique contre la politique de dialogue social impulsée par Hollande : les dirigeants du Front de gauche sont solidaires de bureaucrates syndicaux qui poursuivent jour après jour ce dialogue social. Ce refus de s’opposer au dialogue social est indissociable du fait que le Front de gauche, sur les questions centrales, vise davantage à aménager la politique gouvernementale qu’à développer une orientation véritablement alternative : il n’exige pas l’interdiction de tous les licenciements (seulement des licenciements dits boursiers) ; il a renoncé à exiger l’abrogation pure et simple de la loi qui disloque l’université, la LRU ; il n’exige pas l’abrogation de la loi Debré finançant l’enseignement privé, etc. Bref, ses revendications - en apparence plus radicales que celles du PS - demeurent compatibles avec la préservation du capitalisme.
En dépit de ce verrouillage visant à entraver tout combat des travailleurs et de la jeunesse, des éléments de résistances se font jour, qui inquiètent le gouvernement. Ces éléments surgissent tantôt en marge des revendications ouvrières traditionnelles, tantôt au cœur des revendications historiques du prolétariat.
Ainsi la mobilisation, ancienne, contre la construction de l’aéroport de Notre Dame des Landes, à 30 km de Nantes, a rebondit durant l’automne. Cette revendication est portée par quelques dizaines d’exploitants agricoles menacés d’expulsions et a agglutiné des groupes et courants les plus divers, certains disant vouloir remettre en cause la société dans son ensemble, d’autres - comme Europe Écologie - manifestent contre ce projet cher à JM Ayrault, qui était maire de Nantes, et demeurent en même temps membres du gouvernement Ayrault… Mais de cette mobilisation confuse, où se mêlent conceptions réactionnaires (prônant une moindre production tout en préservant la propriété capitaliste) et revendications légitimes (contre un projet cousu main pour le trust Vinci, dans le cadre d’un partenariat privé public), sourd néanmoins la recherche du combat contre la politique d’un gouvernement au service des monopoles. Or, en l’affaire, ce qui est le plus important, c’est l’image de faiblesse donnée par ce gouvernement qui, après avoir engagé la répression policière, a manœuvré en recul, suspendant les travaux le temps que reprenne la concertation sur ce projet.
De même, face à la poursuite de la politique contre les immigrés sans papiers, la résistance reprend contre les expulsions. Et, sur le terrain, cette résistance a bloqué certaines expulsions même si le chiffre global d’expulsions semble se maintenir. Pourtant, là encore, le gouvernement bénéficie de réels atouts. Ainsi, des associations comme RESF sont allées négocier avec le ministre de la police la nouvelle circulaire établissant de nouveaux critères d’expulsion au lieu d’exiger la régularisation de tous les sans papiers. Ainsi, le parti de Gauche, après un vif débat dans son conseil national et malgré la conclusion de ce débat, demande la régularisation « des » sans papiers alors que ce conseil et les militants s’étaient prononcés pour la régularisation de « tous » les sans papiers. Cette contradiction entre l’aspiration de tous ceux qui combattent en défense des sans papiers et ceux qui veulent aider la politique gouvernementale ne peut que s’aiguiser.
Mais c’est au cœur de la classe ouvrière que se joue l’essentiel.
La classe ouvrière est durement frappée par la crise et par la politique que met en quasi-totalité le patronat pour préserver ses profits. Tout est bon d’abord pour améliorer la productivité : flexibilité, travail du dimanche et du soir, réorganisation des services. Dans nombre d’entreprises, la situation est telle que les suicides se multiplient. Nombre de grèves locales jaillissent visant à mettre en échec cette aggravation des conditions de travail, comme à la Poste.
Mais toutes ces mesures ne suffisent pas pour restaurer les profits. Le patronat organise donc les arrêts de production et les fermetures d’entreprises : Peugeot et Arcelor Mittal à Florange sont les deux exemples les plus connus. Comment résister à de telles attaques ? Pour les travailleurs, c’est là le plus difficile. Comment faire grève quand c’est le patron qui organise l’arrêt de la production ? La réponse ne peut être qu’à deux niveaux. D’abord par un combat des salariés de tout le groupe, voire de toute la branche, en solidarité avec tous les licenciés. Cela était possible et nécessaire, et le demeure. Mais la division syndicale, entravant à Peugeot l’unité entre les différents sites, n’a fait qu’en rajouter par rapport à la difficulté du combat, et laisse la voie ouverte aux « plans sociaux », c’est-à-dire aux licenciements. D’autant qu’au niveau fédéral et confédéral, les directions syndicales n’organisèrent aucun réel combat solidaire. Elles préfèrent discuter avec le patronat du projet de « sécurisation de l’emploi », nouvelle appellation de l’inacceptable « flexi- sécurité ».
Manifestation du 9 octobre 2012, cortège CGT, Lyon
L’autre niveau ne peut être que politique. À quoi cela sert-il d’avoir chassé la majorité UMP, et élu une majorité de députés du PS (et Front de gauche) si ce n’est pas pour exiger d’eux l’interdiction des licenciements. Exiger, c’est-à-dire : leur imposer par la mobilisation. L’interdiction de tout licenciement est ainsi une mesure d’ensemble nécessaire qui constitueraient un pas pratique dans le combat contre le capitalisme. Mais, même sous une forme totalement édulcorée et caoutchouteuse (l’interdiction des licenciements boursiers), cette mesure générale est renvoyée à des jours meilleurs. Plus fondamentalement doit être exigée la diminution massive du temps de travail sans baisse de salaires, et sans flexibilité, afin de souder l’ensemble des salariés (menacés ou non de licenciements) et travailleurs contraints au chômage.
Pour les travailleurs de Florange, dont l’usine est à l’arrêt, et qui voyaient s’approcher le moment où les hauts fourneaux seraient condamnés par l’arrêt de l’entretien et de l’alimentation en gaz, on ne pouvait attendre une loi générale. Dès le mois de juin, des délégués syndicaux formulèrent l’exigence de la nationalisation du site, plus exactement de tout le site pour que les hauts fourneaux demeurent viables. La CGT, au niveau confédéral, refusa de reprendre ouvertement ce mot d’ordre, qui était une seule réponse immédiate et ponctuelle que le parlement pouvait adopter en quelques heures. On vit ainsi Bernard Thibault expliquer à l’Humanité le 1er octobre que « le mot nationalisation n’est peut être pas satisfaisant ». (Et le NPA utilisait à ce moment là le terme de « réquisition », qui ne porte que sur l’usage et non sur la propriété).
Car, avec le gouvernement, Montebourg expliquait fin septembre que cette solution « n’était pas à l’ordre du jour ». Le gouvernement préféra chercher un repreneur privé. En vain. Le report de la décision de fermeture au 1er décembre, concédée par Mittal, ne changeait rien quant au fond : ce trust, confronté à des surcapacités de production en Europe, ne voulait pas vendre à un possible concurrent, mais veut détruire des usines pour préserver ses profits. Déjà, 9 des 25 hauts fourneaux appartenant à ce groupe en Europe sont à l’arrêt.
C’est la résistance des sidérurgistes de Florange, et elle seule, qui s’est poursuivie depuis 18 mois et accentuée durant l’automne, qui a finalement contraint, fin novembre, l’un des membres du gouvernement à reprendre le terme de nationalisation à son compte. Mais quand Montebourg, ministre du Redressement productif, reprit ce mot de nationalisation après l’avoir rejeté en septembre, ce fut un tollé, y compris dans les rangs du gouvernement. On vit ainsi un autre ministre, Michel Sapin, s’indigner : « On n’est plus dans une époque où on nationalise la sidérurgie ».
Pourtant, pour le ministre du développement durable, cela n’était absolument pas conçu comme une mesure révolutionnaire. Il s’agissait, tout en calmant les travailleurs, d’une mesure favorable aux intérêts du capitalisme français. D’abord, comme l’exige la constitution, Mittal serait remboursé. Ensuite, Montebourg prit soin de préciser que la mesure était « provisoire », en attendant un repreneur capitaliste. Une telle intervention est assez classique. On l’a bien vu en Grande Bretagne et en Irlande (où des gouvernements forts bourgeois ont nationalisé les banques pour les sauver… aux frais du contribuable) et aux États-Unis (où le gouvernement Obama a sauvé les trusts automobiles avant de leur rendre leur indépendance).
On pourrait parler, sur ce plan, de « nationalisation bourgeoise ». C’est ce qui explique le franc soutien de JL Borloo et de Marine Le Pen, entre autres représentants bourgeois, à ce projet. Pour cette raison, François Hollande ne rejeta pas cette idée, avant de recevoir lui-même Lakshmi Mittal, le patron de trust sidérurgique.
Mais si, sur le plan économique, sur le plan de la défense du capitalisme français, une telle nationalisation « provisoire » a un sens, elle n’en est pas moins politiquement inacceptable sur le plan politique : alors que depuis deux décennies au moins, la propagande des medias et de tous les défenseurs du capitalisme avait réussi à faire disparaître l’idée même de nationalisation, voilà que ce mot d’ordre reprenait une brûlante actualité. C’était intolérable ! Le dogme même de la prétendue supériorité de la propriété privée et de la concurrence était bafoué.
On n’avait pas vu, depuis longtemps, Laurence Parisot manifester autant de colère. Car si une respectable brochette de dirigeants bourgeois avait considéré légitime cette « nationalisation », Madame Parisot voyait d’abord le danger politique de cette proposition. Cette idée de nationalisation redonnait vie, malgré les objectifs de Montebourg, à ce que redoute le plus la bourgeoise : la remise en cause du principe bourgeois de la propriété. Le 29 novembre, la représentante du patronat entreprenait de recadrer politiquement le gouvernement en même temps que ses amis. Pour elle, cette proposition « est tout simplement et purement scandaleuse ». Scandaleuse d’abord s’il s’agit de faire pression sur un patron. « S’il s’agit par de tels propos, tout simplement d’exercer une pression, de faire du chantage, dans le cadre d’une négociation, c’est inadmissible » dit-elle alors qu’on arrive au bout de l’échéance fixée par Mittal pour trouver une solution. Ensuite et surtout, « toute notre société est construite sur un principe essentiel, celui du droit de propriété (...). Ébranler ce principe, comme ça, à la va vite, c’est très grave, et en plus, ne l’oublions pas, c’est très coûteux ».
Le gouvernement s’exécute alors d’autant plus facilement que, dans sa majorité, il n’avait guère l’intention de mettre en œuvre cette menace. Jean Marc Ayrault prenait alors le dossier en main : pas touche à la propriété privée des moyens de production ! Dans le dos de Montebourg, il ficelait à la va-vite un « accord » avec Mittal, qui se fait, pour l’essentiel, aux conditions de Mittal, sans redémarrage des hauts fourneaux, ni investissements.
Cet accord provoque la colère des sidérurgistes et des militants syndicaux de Florange. Il tourne le dos à la revendication des travailleurs, à l’exigence de la nationalisation. Et tous savent ce que vaut la promesse de garantie de l’emploi.
Le nouveau dirigeant de la CFDT, Laurent Berger, vole alors au secours du gouvernement : « la préoccupation de la CFDT aujourd’hui à Florange, c’est la mise en œuvre de ce que le gouvernement a arraché en terme d’accord ». Il approuve ainsi la mise en place d’un comité de suivi de cet accord qui, en quasi-totalité, correspond à ce que voulait Mittal.
Bien que la situation soit difficile pour les travailleurs de Florange après cet accord passé dans leur dos, de nouveaux développements sont possibles. Sur place, si plusieurs des organisations syndicales, dont la CFDT, ont accepté de participer au comité de suivi chargé de vérifier que l’accord est respecté, les délégués CGT et FO ont fait savoir qu’ils refusaient de cautionner cette opération et ne participeront pas au comité de suivi.
De même, à l’échelle nationale, la nécessité d’une grève générale des travailleurs de l’ensemble des sites d’Arcelor-Mittal se fait jour, comme le montre la grève en défense des emplois qui a éclaté sur le site de Basse-Indre.
D’autre part, cette bataille a d’ores et déjà ébranlé le gouvernement. Des ministres continuent de faire savoir leur opposition à cet accord. Et surtout : une part notable du PS, soutenue par 40 députés, persiste à demander une nationalisation. Nationalisation certes provisoire et indemnisée, mais exprimant un désaccord avec le plan Ayrault-Mittal. C’est là une réfraction, au sein du PS, du combat mené par les sidérurgistes. (Indiquons également que ce n’est qu’à partir du 29 novembre que le PCF a commencé de reprendre l’exigence de la nationalisation, de même que ce n’est qu’après le 23 novembre que le NPA, LO et le POI ainsi que le PG se sont rallient à ce mot d’ordre).
Enfin, ce que redoutait Parisot menace de devenir réalité. La crise économique se poursuivant, et avec elle les fermetures d’entreprises, l’exigence de nationalisation commence à faire tache d’huile.
Déjà, le 16 octobre, l’un des candidats au poste de premier secrétaire du PS, Emmanuel Maurel, avait fait savoir qu’il revendiquait la nationalisation de la raffinerie Pétroplus menacée d’être arrêtée. Or ce candidat avait, face à Harlem Désir choisi par l’appareil du PS, réalisé un score plus qu’honorable. Puis, à Saint Nazaire, où l’on s’inquiète pour l’avenir des chantiers navals, le syndicat Force ouvrière a demandé que l’État nationalise les chantiers (dont il détient déjà 33%) dans la suite de la mobilisation de Florange. De fait, ce mot d’ordre peut redevenir d’actualité dans toutes les entreprises où tombent les plans de licenciements et les annonces de fermetures.
Dès lors, une question se pose : le gouvernement refuse certes de nationaliser, mais la majorité parlementaire PS (et Front de gauche) n’a pas été élue pour défendre les intérêts des patrons. Et l’on constate qu’une partie de cette majorité oscille sur cette question des nationalisations (même si c’est pour que ce soit de manière provisoire et avec indemnités). Cette majorité est fragile, d’autant plus que s’élèvent les protestations des adhérents du PS et de leurs électeurs. Pourquoi ne pas organiser en direction de cette majorité, c’est-à-dire à l’Assemblée, une mobilisation unitaire, une puissante manifestation de toute la classe ouvrière pour leur imposer la nationalisation de toute la sidérurgie, sans indemnités ni rachat, l’interdiction de tous les licenciements ? Un tel combat permettrait de commencer à poser les jalons d’une alternative à l’actuelle politique, à l’actuel gouvernement.
En même temps, la rupture avec la politique de défense du capitalisme implique, sur tous les terrains, d’en finir avec le dialogue social, à commencer par celui que conduisent les confédérations et fédérations syndicales. Fait notable : c’est dans cette voie que les sections de la CGT et de FO de Florange ont dû, d’une certaine manière et sous la pression des travailleurs, s’engager en refusant de participer au comité de suivi. Sur ce plan là aussi, les sidérurgistes d’Arcelor Mittal à Florange ont entr’ouvert une brèche qui peut servir de repère pour toute la classe ouvrière.