Un exemple de désinformation
Quelques sites et blogs, en France notamment, se sont faits les relais d’une organisation ukrainienne nommée « Borotba » (Lutte). Cela permet de conforter le discours selon lequel il y avait menace fasciste en Ukraine. Les positions de ce groupe étaient pourtant sujettes à caution…
Ce groupe, en effet, ne donne pas dans la nuance. Il suffit de lire son « communiqué n°4 » publié après la chute du régime : prétendant combattre contre les oligarques et vouloir « créer une société socialiste » - ce qui, en soi, serait sympathique -, ce groupe qualifiait de « coup d’État fasciste » la mobilisation qui provoqua la fuite de Ianoukovitch et s’inquiétait surtout d’une possible interdiction du parti « communiste » ukrainien. Mais il « oubliait » que ce parti avait soutenu Ianoukovitch et voté les lois liberticides. Le PKU ne fut interdit ni en mars, ni en avril… mais Borotba annonçait déjà que cette interdiction serait « une couverture légale pour les activités criminelles des gangs néo-nazis, vouer à tuer des communistes et déchaîner des pogroms ». Rien de moins ! D’où il résultait que « la lutte antifasciste doit être la première des tâches aujourd’hui »….
Au même moment, les troupes russes faisaient main basse sur la Crimée et menaçaient le sud est de l’Ukraine…mais Borotba préféra relayer grossièrement la propagande de Poutine : « Des militants armés du Secteur Droite et d’autres gangs nazis ont déferlé sur les régions du sud-est de l’Ukraine. Ils cherchent à y prendre violemment le pouvoir, contre la volonté de la majorité de la population. Des provocations ont aussi eu lieu en Crimée. Nous avons vu une mobilisation de nationalistes tatars et d’islamistes radicaux ».
Borotba eut ainsi les faveurs des petits courants archéo-staliniens du PCF (comme « Faire vivre le PCF »), de sites maoïstes ( « Servir le peuple »), et de la petite tendance « Claire » du NPA.
Un communiqué venu d’Ukraine un peu plus tard remit les pendules à l’heure. Il était signé par des organisations de gauche et anarchistes d’Ukraine (le syndicat autonome des travailleurs de Kiev et Syndicat étudiant indépendant - Action directe), et mettait en garde contre Borotba « qui n’appartient pas à notre mouvement », qui bénéficie de « financements occultes », et qui coopère avec des organisations connues pour leur politique « raciste » et « antisémite ».
Cette mise au point rappelait que Borotba avait justifié l’action menée par la police de Ianoukovitch contre les opposants et avait fait le coup de poing aux côtés des nationalistes russes (à Odessa le 24 janvier) et d’ « organisations pro-Poutine » le 1er mars à Kharkiv, molestant violemment des opposants à Ianoukovitch, dont le poète Serguei Zhadan.
Le communiqué concluait que l’organisation Borotba est « un groupe de manipulateurs de l’opinion » dont les actions « discréditent toute la gauche ukrainienne » et invite « tous les révolutionnaires » à « rompre définitivement toutes leurs relations » avec Borotba : « une organisation de cette sorte doit être isolée ».
Mais à vrai dire, il suffisait de lire les textes de Borotba pour comprendre de quoi il retournait…
NB. Depuis, le groupe a publié une déclaration encore plus lumineuse (déclaration du 15 avril diffusée notamment par la tendance Claire). Borotba apporte un clair soutien aux provocations organisées par Poutine dans l’est de l’Ukraine. La pseudo « République Populaire » devient ainsi, pour Borotba « l’émanation des manifestants dans le Sud-Est, et pas la machination des forces spéciales russes. C’est la volonté du peuple dans les provinces du sud-est ».