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Le 5 février 2015, suite aux attentats de janvier, Hollande a annoncé l’extension du service civique créé en 2010. Ce « nouveau contrat civique » devient, au 1er juin, le « service universel pour les jeunes ». Selon lui, il s’agirait d’introduire un « droit pour les jeunes à s’engager ». Mais s’agit-il d’ « engagement » ou de travail gratuit, comme en 2006 avec le C.P.E.

Car, tout est bon pour masquer le chômage qui touche 25% des jeunes. Indemnisé 573 euros net par mois pour une mission d’au moins 24h par semaine, le volontaire peut, entre 16 et 25 ans, être affecté auprès d’associations, de collectivités territoriales (mairies, départements ou régions) ou d’établissements publics (musées, collèges, lycées…), sur une période de 6 à 12 mois en France ou à l’étranger.
Il est clairement affirmé qu’un engagement de Service Civique n’est pas incompatible avec une poursuite d’études ou un emploi à temps partiel ! De quoi calmer les esprits des étudiants qui voudraient mener un combat collectif contre l’insuffisance voire la diminution du montant des bourses.
Et gageons que la CPU va pousser au recrutement de jeunes en service civique, pour des « missions » gratuites dans les BU, services culturels, pour du tutorat, etc. On contourne ainsi la réglementation en vigueur qui impose pour l’emploi d’étudiants de signer un contrat de travail et de rémunérer au minimum au SMIC horaire.
Pour les collectivités locales, les associations, c’est aussi une aubaine, même si, selon Hollande, « ces missions ne sont pas des emplois ». Et de prévoir déjà : 5 000 missions au ministère de l’écologie, dans les collectivités, pour « sensibiliser aux éco-gestes responsables », 20 000 dans les hôpitaux, 5 000 à 10 000 pour accompagner les « décrocheurs » scolaires dans l’éducation nationale.
D’autres missions auprès du Défenseur des droits et du délégué interministériel à la lutte contre le racisme et l’antisémitisme, à la santé pour l’accueil dans les hôpitaux, la présence auprès des personnes âgées, pour l’accès à la culture (musée, musique, théâtre…) des publics défavorisés ou encore « pour veiller à la tranquillité dans les transports publics »… Et « des milliers » de missions dans les fédérations sportives. À la fin de leur mission, les volontaires se verraient remettre une attestation à faire valoir après l’admission aux concours administratifs !
Multiplication des petits boulots, déqualification des emplois et destruction du cadre national de l’enseignement vont de pair. Le financement par l’État du service civique ne vise pas seulement à faire baisser les chiffres du chômage. Il participe au formatage de la jeunesse : une continuité doit s’établir entre l’évaluation des compétences, du « savoir être » à l’école et dans le monde du travail. C’est ainsi que sont encouragées diverses formes de travail gratuit : service civique, bénévolat…
Toutes les structures publiques sont sollicitées, l’Éducation nationale en premier lieu. Les écoles sont invitées à faire appel à des jeunes en SCU afin de « contribuer aux activités éducatives, pédagogiques et citoyennes de l’école primaire » (surveillance des récréations, accompagnement des sorties, de l’activité d’un petit groupe, aider à un élève pour une activité…). Dans le second degré ils pourront faire du tutorat…
La politique de réduction des moyens interdit la diminution des effectifs par classe afin de faciliter les apprentissages. Et ce tutorat, travail gratuit devrait palier au manque d’enseignants ! Bel engagement pour accompagner la refondation (destruction) de l’école publique !
Dans les hôpitaux, l’utilisation de ces jeunes en SCU accompagnera la réduction massive de postes annoncée. Et Chérèque qui affirme veiller à ce que « ces contrats ne sont pas signés au détriment de CDD ou de CDI » avoue que jusqu’à présent, on ne « contrôle [que] 20 % des structures » !
Cet « engagement » accompagne le désengagement de l’État des services publics dont les budgets fondent au soleil. Il va accentuer le processus d’externalisation de nombre de ses missions vers les associations. Aux subventions publiques qu’elles reçoivent s’ajoutent de nouvelles possibilités de travail gratuit. « À 84%, les contrats sont signés par des associations », dit Chérèque.
Des associations, comme Forum réfugiés… perçoivent pour cela des subventions de l’État. En retour, elles collaborent, voire se font les relais des politiques migratoires.
Ainsi, en décembre 2014, à la veille du vote en première lecture à l’Assemblée du projet de loi sur l’asile, Forum réfugiés-Cosi « appelle les députés à voter en faveur de ce texte, porteur de réelles avancées pour les demandeurs d’asile ». Cela après avoir largement collaboré à l’élaboration de ce nouveau projet de loi. Or, cette loi va accentuer le soupçon généralisé de fraude, transformer l’accueil en assignation à résidence, élargir les prérogatives des préfets en matière de surveillance des étrangers et des personnels des administrations auxquelles ils font appel. Et Forum réfugiés d’annoncer d’ores et déjà qu’il sera « attentif aux étapes ultérieures de la réforme, de l’édiction des dispositions réglementaires à l’application des textes par les acteurs de l’asile, sans oublier la mise à disposition des moyens budgétaires nécessaires lors des prochaines lois de finances. » !
Ce transfert de services de l’État vers les associations génère leur collaboration étroite aux politiques de contrôle social. Une démarche « citoyenne » fort utile pour vaincre les résistances, les mobilisations de fonctionnaires, de travailleurs, de la jeunesse qui combattent la politique de casse des services publics.
Chérèque s’est vivement opposé au caractère obligatoire du service civique : « La citoyenneté c’est un engagement. ». Mais derrière la citoyenneté, il y a la peur de la jeunesse, la peur « d’un mouvement type CPE. ». (Le Figaro 29/01/15)
Chérèque et le gouvernement comptent sur l’extension du chômage et des évaluations à l’école selon les compétences comportementales et au travail pour créer une situation où la jeunesse n’a pas d’autre choix…
Déjà, cette évaluation des comportements est prise en compte à l’embauche. Et quand un jeune vient s’inscrire à Pôle emploi, on lui propose, au nom de « l’insertion », un an de service civique plutôt que de l’inscrire comme demandeur d’emploi.
Masquer les chiffres du chômage, développer le travail gratuit et créer des relais pour mettre en place des contreréformes forment un tout cohérent.
* À relire : L’insurgé n°21 et n°5
« Care » et Service civique volontaire en action à Marseille.