Associer les syndicats à la destruction du Code du travail : les rapports Combrexelle et Mettling
Le rapport Combrexelle commandé par Valls en avril dernier donne la marche à suivre pour aboutir à la refonte du code du travail d’ici quatre ans. La voie serait ouverte avec la loi de 2016 qui donnerait « plus de place à la négociation collective ».
Le rapport propose de réécrire le Code du travail en trois parties[1]. L’une édicterait les « dispositions impératives » : cette formule vise à remplacer les lois par de simples principes, sans contrôles ni sanctions possibles. La deuxième partie porterait sur les champs ouverts à la négociation et aux accords collectifs. Avec un minimum d’encadrement législatif, ces accords diraient le droit, ou plutôt les droits dans la mesure où il pourrait y avoir autant de droits que d’entreprises. Une troisième partie présenterait des dispositions supplétives, s’appliquant en l’absence d’accord collectif. Il s’agit de remplacer les règles « impératives », concrètes et chiffrées imposées le plus souvent par décrets, notamment en matière d’hygiène et de sécurité, et qui permettent l’application de réels droits pour les salariés (leur inobservation donnant lieu à sanction pénale).
Avec cette nouvelle loi, durant quatre ans, le terrain serait préparé afin que des accords d’entreprises puissent déroger à la loi ou à la convention collective dans un sens défavorable aux salariés. Les dérogations deviendraient la norme et des centaines de conventions collectives de branches devraient disparaître.

Cette loi de 2016, aujourd’hui annoncée par le gouvernement, modifierait le code du travail afin d’autoriser la négociation collective sur quatre piliers (emploi, temps de travail, salaires et conditions de travail) désignés sous un acronyme (ACTES : « Accords sur les Conditions de Travail, l’Emploi et les Salaires »). Au sein de ces ACTES, serait défini ce qui relèverait de la loi ou de la négociation.
⇒ Temps de travail : Tout en affirmant qu’on ne touchera pas aux normes européennes (48 heures hebdomadaires maximum) Combrexelle propose de laisser les entreprises, par « accord », décider du niveau à partir duquel on compte les heures supplémentaires, on paye leur majoration. Ce qui sonne la fin de la durée légale de travail.
⇒ Salaire : Annoncer que l’on va toucher au SMIC soulèverait un tollé. Mais il y a nombre de « simplifications » possibles permettant d’alléger les salaires. D’ores et déjà, pour les salariés au forfait (10% des salariés), il n’y a plus de SMIC. Combrexelle suggère de développer tout ce qui est rémunérations variables (liées à un accord ou au contrat du salarié), de même que les rémunérations qui ne sont pas des salaires (intéressement, participation) et qui échappent aux cotisations sociales. Il s’agit donc de toucher au SMIC par accord collectif. Autre simplification du code du travail qui va permettre d’alléger les salaires.
⇒ Conditions de travail : Le rapport fait là encore référence aux normes européennes. Or, ces normes ont été élaborées pour les employeurs et leur non respect ne peut être sanctionné. Elles ne sont pas contraignantes, à la différence d’un décret qui impose des limites aux employeurs. Ainsi, par exemple en 2007, on a supprimé le règlement qui, pour les femmes, fixait à 60 kg la charge maximale pour pousser ou traîner un véhicule à quatre roues. En 2011, la France a adopté la norme européenne unisexe qui fixe cette limite à 400 kg sans préciser si elle s’applique aussi en cas de pente, de trottoir... (Les 400 kg correspondent au poids maximal en charge des containers- poubelles standards de 600 litres qui sont chargés à l’aide d’un lève-conteneurs par les camions-poubelles). Et nombre de salariés femmes - et hommes - des entreprises de nettoyage se retrouvent avec le dos brisé.
L’accord d’entreprise deviendrait la norme. Il devrait uniquement respecter les grands principes d’ordre publics du code du travail et des branches, et être accord majoritaire.
Le rapport propose aussi de « moderniser » les accords. Il s’agit d’en limiter la contestation, d’en limiter la durée (les accords sont aujourd’hui à durée illimitée), et de rendre leur révision plus facile.
Et Combrexelle propose de remplacer la formation des syndicalistes effectuée aujourd’hui par les syndicats par une formation commune aux employeurs et aux organisations syndicales, financée par l’employeur. Syndicalistes et employeurs doivent parler le même langage, se côtoyer plus encore, et défendre… ce qui est nécessaire à l’entreprise - c’est à dire au patronat !
La « sécurité sociale professionnelle » dort dans les placards depuis nombre d’années. Remplacer les droits collectifs par des « droits individuels » conduit à faire voler en éclat tout ce qui fonde la solidarité interne au salariat (statuts, conventions collectives…) Le salarié deviendrait un prestataire de service flexible, mobile, licenciable sans entrave : ce serait le retour à des salariés atomisés, sans conscience collective, à la merci du patronat.
Pour répondre à ces demandes patronales, nombre de rapports ont été publiés proposant de « dépasser » notre code du travail : Boissonnat (1995), Supiot (1999), Virville (2004), puis Camdessus, Cahuc-Kramarz…
Pour parvenir à leurs fins, le patronat et le gouvernement comptent sur la collaboration des organisations ouvrières. Et il faut le constater, la « sécurité sociale professionnelle » a fait l’unanimité de Chirac, Sarkozy et Bayrou aux dirigeants du PS, du PCF, et des appareils syndicaux.
Pour le PCF (Boccara), avec la « sécurité sociale professionnelle » il ne s’agit plus d’abolir le salariat par l’expropriation des trusts capitalistes, mais « de dépasser le salariat »… Soit conserver le capitalisme en habillant le chômage d’une prétendue sécurité pour faciliter les licenciements. L’appareil de la CGT la promeut depuis le 47e congrès (2003)… Et aujourd’hui, L’Humanité revient à la charge. Elle la présente comme une extension de la Sécurité sociale tout en passant sous silence l’exonération toujours plus grande des cotisations sociales qui mettent en danger le maintien même de la Sécu. Et elle promeut un nouveau financement, type contribution sur les revenus financiers des entreprises, autre moyen de liquider le salaire mutualisé au profit du patronat.
Cette « sécurisation des parcours professionnels » n’est rien d’autre qu’un plan social généralisé pour accompagner les suppressions de postes, les licenciements, la flexibilité, la déqualification, bref la précarisation massive.
CGT, FO, UNSA, Solidaires ont accepté d’être auditionnés, la CGT remettant en outre des propositions écrites. Combrexelle les a remerciés de s’être « prêtés au jeu en faisant part de leurs réflexions et de leurs propositions ».