Une offensive de grande ampleur
Suite à la Grande conférence sociale tenue le 19 octobre 2015 à partir des recommandations des différents rapports qu’il a commandités, le gouvernement a publié une nouvelle « feuille de route sociale ». Derrière ce vocabulaire, il s’agit de s’attaquer aux principes même du Code du travail et du statut des fonctionnaires.
Il entend s’appuyer sur la participation des syndicats à cette conférence, et aussi sur les concertations bilatérales qui l’ont précédée et sur les quatre années de dialogue social permanent depuis 2012.

Durant un an et demi, les directions syndicales se sont soumises aux concertations, puis aux négociations sur le plan du gouvernement nommé « Parcours professionnels Carrières et Rémunérations (PPCR) des agents de la Fonction publique ».
Dès le départ, la volonté du gouvernement était d’adapter le statut aux lois de décentralisation, d’imposer la flexibilité géographique et professionnelle. À la mi-juillet il a adressé aux directions syndicales un protocole d’accord leur donnant jusqu’au 30 octobre pour signer. De source syndicale, c’est « le plus grand plan social de licenciements de l’État. Les suppressions d’emploi envisagées, qui viendront s’ajouter aux milliers de postes qui ont déjà été supprimés, sont édifiantes : 10 700 postes dans la Fonction Publique d’État, hors Éducation nationale et Défense ; 22 000 postes dans la fonction publique hospitalière ; 100 000 postes dans la fonction publique territoriale » (UD-CGT de Paris).
Alors que durant des mois, les personnels ont été tenus dans la quasi-ignorance de ces plans et du contenu de ces « négociations », nombre de syndiqués (FO, CGT, FSU, Solidaires) se sont opposés à la signature de ce protocole. En effet, alors que le gouvernement a annoncé la poursuite du blocage des salaires, alors que tous les jours, de nouvelles attaques sont portées contre le statut, comment peut-on croire qu’il s’agirait là d’amélioration en matière statutaire et salariale ?
Le 17 septembre, la direction de la FSU annonçait, la première, sa décision de signer ce protocole. Une décision prise en dépit et contre les résistances internes, mais qui, compte tenu de la place des personnels de l’Enseignement public et du syndicalisme enseignant, conforte le gouvernement.
La non signature des fédérations FO, CGT, Solidaires fait que l’accord des autres fédérations reste inférieur à 50%. Mais, le 30 septembre, Manuel Valls annonçait qu’il prendrait les mesures (législatives et règlementaires) nécessaires à l’application de ces PPCR.
Le dialogue social, c’est l’acceptation par les directions de la négociation des plans du gouvernement : toutes participent, certaines signent, d’autre non. Cela permet au gouvernement de mener l’offensive.
Dans la Fonction publique, selon les lois de 2008-2010, les accords signés « n’ont pas de valeur juridique ». Seule une loi, un décret peut modifier le statut des fonctionnaires. Mais les « concertations, négociations et protocoles » ont une « validité politique ». Le gouvernement a ainsi salué « l’implication des organisations syndicales et la qualité du dialogue social durant cette période ». (Communiqué du 30/09/2015). Et Valls a décidé de prendre les mesures législatives et règlementaires annoncées.
La nouvelle feuille de route vise à relancer l’apprentissage, y compris dans la Fonction publique d’État. Au moment où l’on supprime des postes statutaires, et des emplois en CDI dans le privé, il faut livrer une main d’œuvre malléable et quasi gratuite.
De nouvelles mesures vont contraindre les chômeurs à accepter des emplois précaires, et la mobilité sous toutes ses formes.
Dans le cadre du Conseil National de l’industrie (CNI), les organisations syndicales sont associées à la défense du patronat français face à ses concurrents. Ces structures de dialogue social les amènent à se situer aux côtés des intérêts du patronat, ce qui est antinomique à la défense des intérêts du salariat.
« Nous devons vivre dans une société apaisée. Il y a toujours des conflits, toujours des confrontations, toujours des intérêts qui sont divergents. Comment les surmonte-t-on ? Par la violence ? Sûrement pas. Par de l’apaisement, donc par le dialogue ». (François Hollande, RTL, le 19/10/2015).
Sur la base du document d’orientation que le gouvernement publiera fin octobre, de nouvelles négociations devraient s’engager en vue d’un accord relatif aux principes et à la construction du compte personnel d’activité (CPA). Le gouvernement veut aller vite pour mettre en place ce CPA, « la réforme sociale majeure du quinquennat » (Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement).
Dans la Fonction publique, les discussions se mèneront dans le cadre de l’agenda social. Au moment où, avec la réforme territoriale, 10 000 agents devraient subir une réorganisation de leur travail, le CPA s’annonce comme un moyen pour « lever les freins à la mobilité géographique », pour supprimer les conditions d’ancienneté… Bref, un véritable cheval de Troie pour faire exploser le statut. Et la feuille de route d’inviter les syndicats à « jouer un rôle d’ambassadeur auprès des salariés » (sic) !
Dans ces conditions, les déclarations de l’appareil CGT revendiquant un « nouveau statut du travail salarié » et « une sécurité sociale professionnelle », le ralliement d’autres directions syndicales, dont la FSU, à ce projet de « nouveaux droits attachés à la personne », loin d’empêcher « patronat et gouvernement d’organiser la casse du code du travail » (CGT), sont pour eux un précieux point d’appui.
Se référent au rapport Mettling et au rapport Combrexelle auquel il donnera « des suites ambitieuses » (sic), le gouvernement annonce une « reconstruction du droit du travail » selon les besoins des entreprises : remplacer « le lien de subordination juridique permanent » du salarié dans le cadre du contrat de travail par une « soumission librement consentie » de ce dernier sans droit ni loi ! Et à partir de la loi de 2016, « la mise en œuvre sera largement renvoyée à la négociation collective ».
L’intérêt général, dans la société capitaliste, c’est l’intérêt de la classe dominante. Face au capital, les intérêts du salariat ne peuvent être défendus en se situant sur le terrain du gouvernement et du patronat, mais dans un combat frontal. L’unité des organisations ouvrières (partis et syndicats) ne peut se réaliser que sur la base de l’indépendance de classe et de revendications claires (rejet du CPA), ce qui implique le boycott des concertations sur le CPA et sur l’ensemble du projet de loi Myriam El Khomri.
Face au chômage et au travail précaire, ce qu’il faut exiger, c’est la diminution massive du temps de travail sans flexibilité (32 heures hebdomadaires, voire moins, afin que la masse des chômeurs retrouvent un emploi) avec maintien de l’ensemble des acquis (salaires, contrats, durée et conditions de travail...), avec les embauches correspondantes (en CDI ou statutaire) ; annulation de toutes les mesures de flexibilité, retour à une définition journalière et hebdomadaire du temps de travail (suppression de l’annualisation) ; interdiction des licenciements et création massive d’emplois par l’État !
Contre le CPA, la « sécurité sociale professionnelle », défense et rétablissement de tous des acquis transcrits dans le Code du travail, de la hiérarchie des normes : la loi doit s’imposer à tous, les conventions et contrats collectifs ne peuvent être que plus favorables ! Un seul contrat : le CDI (avec rétablissement de toutes ses garanties) ! Défense du statut national de la Fonction publique !