2/3. Juillet – septembre 2015 : le grand retournement
Annoncé le 26 juillet dans la nuit, le référendum du 5 juillet 2015 est organisé en quelques jours. Tsipras appelle à rejeter par « un grand non » l’ultimatum des créanciers, tout en affirmant qu’un tel non n’implique pas une sortie de l’euro.
Un référendum plébiscitaire
Beaucoup pensent que le référendum va permettre au peuple grec, en répondant Non à la question posée, de s’opposer aux exigences des « institutions » créancières. Et tout le monde, dans Syriza ou à sa gauche, mobilise pour le Non, ce qui était légitime si on ne confondait pas un « non » aux créanciers avec un « oui » à la politique de Tsipras. (De son côté, le KKE aida les partisans du « oui » en imprimant ses propres bulletins pour un double non – Non à la Troïka et au gouvernement - bulletins qui seraient donc invalidés).
En réalité, ce type de référendum a une fonction plébiscitaire. Certes, il est validé par le Parlement. Mais en appelant lui-même à voter Non, Tsipras tente de faire approuver, par plébiscite, la politique qu’il mène depuis janvier : un « non » majoritaire sera un « non » aux créanciers et un « Oui » à Tsipras. C’est l’hypothèse la plus probable, d’autant que ce référendum annoncé en pleine nuit suscite l’enthousiasme des partisans de Syriza, et déstabilise ses adversaires (en vain, Nouvelle Démocratie demande que la question posée devienne une question Pour ou Contre l’euro…).
Et si le Oui devait l’emporter, les électeurs porteraient la responsabilité d’une capitulation…
En même temps, l’opération de Tsipras n’est pas sans risques financiers. Le 30 juin, les banques grecques sont donc fermées jusqu’au 6 juillet, les retraits limités à 60 euros par personne et par jour, et un contrôle est établi sur le mouvement des capitaux. Le même jour, la Grèce ne rembourse pas la somme due au FMI (1,6 milliards pour juin). Les bourses ne s’en émeuvent guère. Et le FMI expliquera le 22 juillet qu’il faudra bien restructurer la dette (180% du PIB) soit en rallongeant les annuités soit en abandonnant une partie des créances.
Le référendum du 5 juillet : la journée des dupes
La campagne électorale est fort brève. Les dirigeants européens font pression pour le Oui. Avec toujours le même argument : l’enjeu du référendum serait « de savoir si les Grecs veulent rester dans la zone euro ou s’ils prennent le risque d’en sortir » déclare ainsi François Hollande. C’est aussi l’argument, en Grèce, des partisans du Oui.
La presse (cf. le Monde du 5 juillet) suppute ce qui va se passer, selon que le Oui ou le Non l’emportera. Une fois encore, personne ne voit le coup arriver.
Le 5 juillet au soir, le résultat semble sans appel : 61,3 % de « non ». Est-ce pour autant « une grande victoire ouvrière et populaire » ?
Le patronat grec reste impavide. Il considère que tout cela relève du théâtre, et que les négociations vont reprendre. De fait, les manœuvres s’engagent aussitôt : dès le dimanche soir, l’un des meneurs de la campagne du Oui (le maire d’Athènes, Giorgos Kaminis) déclare : « On a voté. Aujourd’hui, nous devons travailler ensemble ». Cet appel à l’union nationale est d’autant plus « motivé » que les partis qui ont défendu le Oui sont éreintés par leur défaite : dans la nuit, Antonis Samarás démissionne de la direction de Nouvelle Démocratie. Le Pasok, et le nouveau parti To Potami, sont aussi les perdants de référendum. Tsipras a été plébiscité ; certes, il triomphe, mais sa première déclaration est claire : « le mandat que vous m’avez confié n’est pas celui d’une rupture avec l’Europe, mais un mandat pour renforcer notre position aux négociations »…
6 juillet : la grande alliance
Le lundi 6, le président de la République, membre de Nouvelle Démocratie, convoque en réunion les chefs de tous les partis (sauf Aube dorée). Cette réunion va durer 7 heures ! Il en sort un texte commun apportant son soutien à Tsipras pour trouver un accord avec les créanciers dans le cadre européen. Ce texte est soutenu par ND, To Potami et le PASOK ainsi que l’AN.EL, mais non par le KKE). Le texte soutient la demande faite aux créanciers que soient couverts les besoins financiers du pays, relancé la croissance et ouverte une discussion sur la dette. Le texte, en même temps, soutient Tsipras pour qu’il accepte… le plan formulé par Jean-Claude Junker le 30 juin, sous réserve de cinq amendements. Or, ce plan de Junker est, sur le fond, identique aux versions précédentes formulées par les créanciers.
Corrélativement, Tsipras se débarrasse de son ministre des finances, Yànis Varoufàkis : c’est un signal clair donné aux créanciers (même si, en pratique, Varoufàkis était déjà mis sur la touche). Euclide Tsakalotos prend la tête du ministère.
Le 7 juillet, l’Eurogroupe fixe ses exigences et un calendrier : le gouvernement grec doit envoyer ses ultimes propositions avant le 10 juillet (un « sommet » européen étant prévu pour le 12 juillet).
Le jeudi 9 au soir, Tsipras s’exécute : il accepte d’aller « plus loin » que là où en étaient restées les négociations de juin : il propose un plan de 12 milliards d’économies (53,5 milliards en trois ans), dont une réduction des retraites à hauteur de1% du budget.
Le lendemain, le Parlement, après débat, approuve ces propositions à l’Eurogroupe pour préparer le le Sommet du 12 juillet. Ce plan comprend la suppression progressive de l’EKA(S), l’aide sociale aux plus pauvres (ceux qui ont moins de 500 euros par mois). C’était pourtant l’une des « lignes rouges ». Il inclut aussi la hausse de la TVA.
Ce plan obtient le vote favorable de 251 des 300 députés, grâce au soutien des élus de ND, du PASOK et de To Potami. 17 membres de la majorité parlementaire refusent de voter ce plan (8 abstentions, 2 non « par procuration » et 7 NPPV). Tsipras a donc le feu vert pour capituler.
13 juillet : Un plan de capitulation
L’accord est finalement ratifié, au niveau européen, le lundi 13 au matin.
Pour l’essentiel, il correspond aux exigences des créanciers. C’est un nouveau plan d’austérité pour trois ans, avec – de facto – la mise sous tutelle des finances grecques,
C’est là l’une des clauses les plus dures de l’accord : Tsipras accepte l’installation d’un conseil fiscal chargé d’évaluer chaque mesure que proposera le gouvernement grec. Ce conseil, contrôlé parles créanciers, permettra de piloter la politique du gouvernement au plus près. C’était déjà le cas avec le mémorandum de 2010. La nouveauté, c’est que le gouvernement grec pourra faire des propositions… s’il respecte le cadre pré établi. Par exemple, la décision prise de réintégrer 4000 fonctionnaires licenciés devra être revue, ou compensée par de nouvelles mesures de rigueur.
Pour le reste, on retrouve les exigences antérieures ces créanciers : hausses de la TVA ; baisse des retraites, finalisation des privatisations en cours (aéroports régionaux, ports, transport d’électricité).
Certes, certaines mesures ne sont pas explicitées (nouvelles privatisations, conventions collectives. Et Tsipras peut se vanter que l’excédent budgétaire prévu est moins violent que dans le précédent mémorandum (2% en 2016 au lieu de 4,5% par exemples).
Mais dans les faits, il s’agit non seulement d’un plan permettant d’obtenir que soit versée la dernière tranche de financement prévue par le deuxième mémorandum, mais d’un accord préparant un troisième mémorandum (lequel devra être finalisé durant l’été).
Crise au sein de Syriza
Cet accord accepté par Tsipras, implique l’adoption, le mercredi 15 au Parlement grec, d’un texte de loi contenant une dizaine d’actions prioritaires, incluant la hausse de la TVA et une réforme des retraites. Ce vote est un préalable exigé par les créanciers pour tout versement.
Cet accord, ouvre une crise majeure au sein de Syriza. La présidente du Parlement, Zoé Konstantopoulou, a affirmé que « jamais elle ne pourra voter et légitimer le contenu de l’accord ». Quant à la ministre adjointe des Finances, Nádia Valaváni, elle démissionne sur le champ. Tsipras en est réduit à expliquer, qu’il a signé « un texte auquel il ne croit pas » mais qu’il doit respecter « pour éviter un désastre au pays ».
Devant le Parlement, des manifestants sont gazés par la police. À l’intérieur, les débats sont houleux. C’est alors qu’est diffusée une déclaration signée par 109 des 201 membres du comité central du mouvement. Ce texte, affirme que « non seulement cet accord n’est pas compatible avec les idées et les principes de la gauche, par-dessus tout, il n’est pas compatible avec les besoins des travailleurs ». Et il exige la réunion immédiate du Comité central. La diffusion de cette déclaration provoque une Suspension de séance. Tsipras menace les 149 députés de Syriza de démission…
Le texte de loi est finalement approuvé par 229 députés (sur 300), grâce au soutien de Nouvelle Démocratie, du Pasok et de To Potami. Mais un quart des députés de Syriza ont rejeté le texte, soit 39 des 64 députés qui ont voté contre, ou se sont abstenus (6 abstentions et 1 absent). De fait, le gouvernement a perdu sa propre majorité. Mais il est encore en droit de gouverner. Néanmoins, un remaniement est prévisible. Celui-ci a lieu le 17 juillet. Tsipras se sépare des ministres qui ont rejeté l’accord. Parmi eux : Lafazánis. Le lendemain, le gouvernement, remanié, est en place.
C’est là le résultat de plus de cinq mois de vaines négociations.
Des discussions au pas de course (18 juillet – 14 août)
Rien n’est pour autant fini. Certes, le jeudi 16, la BCE desserre l’étau et relève, un peu, l’aide d’urgence aux banques grecques.
Le 17 juillet, un prêt d’urgence est accordé par l’UE de 7,16 milliards d’euros. L’argent, arrivé le 20, repart le même jour : 4,2 milliards vers la BEC et 2 milliards d’arriérés pour le FMI… Les banques peuvent, le 20 juillet, ré-ouvrir leurs portes mais les retraits est limité et les mouvements de capitaux restent sous contrôle. Car le système bancaire demeure menacé par les prêts non remboursés et par les retraits. En cinq ans, le niveau des dépôts a diminué de 100 milliards, tombant à 140 milliards en mars 2015, baissant encore de 4,89 milliards en avril. Le gouvernement doit donc désormais s’engager dans une nouvelle phase de « négociations » qui, d’ici le 20 août, définira une longue série de réformes en contrepartie d’un nouveau plan d’ « aide » de 80 milliards. En l’occurrence, des prêts avec intérêts ET avec de nouvelles mesures de rigueur.
Le 20 juillet, la hausse de TVA (de 13 à 23%) devient effective pour un certain nombre de produits (restauration…). Elle le sera en octobre pour l’hôtellerie. C’est la troisième hausse en 6 ans.
Le 23 juillet, le Parlement grec vote un nouveau train de mesures. Il s’agit là d’un préalable pour que s’ouvrent les discussions sur un nouveau plan d’aide, le troisième, estimé à plus de 80 milliards.
Le 27 juillet commencent à Athènes les négociations avec les créanciers sur ce troisième plan. Les discussions s’accélèrent à partir du 8 août.
Le 14 août, l’Eurogroupe ayant obtenu ce qu’il souhaitait donne son feu vert à ce nouveau plan, sous réserve qu’il soit validé par les principaux États européens. Et par le Parlement grec.
Il faut pour cela passer outre les résistances au sein de Syriza. Certes, le 30 juillet, Tsipras a réussi à retrouver une majorité au Comité central de Syriza. Mais cette majorité, fragile, peut voler en éclats au vu du nouveau plan que le parlement devrait voter.
Un plan coercitif
Ce plan traduit de manière précise la déclaration du 13 juillet des chefs d’État et de gouvernement : seize mesures sont dites « prioritaires », avec 52 « réalisations-clefs » et un calendrier strict. Tout y passe : révision du code des impôts, « rationalisation » des dépenses de santé, gestions des fonds dégagés par les privatisations, retraites, etc. Chaque décision ayant un impact budgétaire devra avoir acceptée par les créanciers. C’est à ces conditions que seront débloqués, par tranches successives durant trois ans, 85 milliards d’aide, dont 25 sont destinés à recapitaliser les banques (10 milliards sont immédiatement disponibles pour cela).
Ce troisième mémorandum exacerbe la crise au sein de Syriza. Le 14 août, le plan est voté par 222 des 300 députés ; 64 votent contre, dont 31 des 149 élus de Syriza (11 abstentions et 3 absents).
Le même jour est diffusé un appel à constituer partout des comités de lutte contre le mémorandum. Il est lancé par Panayótis Lafazánis (pour la Plate-forme de gauche) et par Antonis Ntavanellos pour DEA, avec le renfort de représentants de douze autres groupes et courants de la gauche « radicale » grecque, dont deux viennent d’Antarsya. Cet appel est perçu comme la première étape publique vers la constitution d’un nouveau front politique.
C’est donc grâce à l’appui de ND, du Pasok et de Potami que Tsipras a pu faire voter ce plan. Mais il se trouve confronté à une nouvelle difficulté : non seulement la coalition gouvernementale est minoritaire mais le plan n’a été soutenu que par 118 députés appartenant à Syriza ou à l’AN.EL. Or, selon la constitution, un gouvernement minoritaire doit avoir le soutien d’au moins 120 députés.
Tsipras n’a donc pas d’autre issue que de convoquer de nouvelles élections. C’est une nécessité pour que puisse être mis en œuvre le plan voté le 14 août. Ce sera fait le 20 août : Alexis Tsipras annonce sa démission et la convocation d’élections législatives anticipées. « C’était vraiment une étape attendue » commente Thomas Wieser, le président du groupe de travail de l’Eurogroupe.
Nouvelles élections (septembre)
Il s’agit, avec ces élections, de faire cautionner par les électeurs la politique du gouvernement, que Georges Katrougalos, ministre du travail, justifie, comme d’autres, en ces termes : « on risquait la destruction totale de l’économie réelle avec la fermeture illimitée des banques. Cela a été un coup d’Etat financier » et « nous avons été obligés de signer cet accord » ; mais « nous avons des marges de manœuvre dans la phase d’application » : « nous pouvons neutraliser les bases néolibérales de l’accord ». Pour Tsipras, le peuple grec doit « décider si l’accord est valable pour sortir un jour (sic) des plans d’austérité » et qui « doit mener les réformes nécessaires ». Il s’agit aussi, par le choix des candidatures à ces élections, d’éliminer toute résistance parmi les parlementaires du Syriza, à commencer par les membres de la Plate-forme de gauche. Car une disposition de la constitution prévoit que, si des élections ont lieu moins de 18 mois après les précédentes, les électeurs doivent voter sur des listes fermées, donc sans pouvoir choisir parmi les candidats d’une même liste.
Création de l’Unité populaire
Dès le 21 août, Panayótis Lafazánis annonce la création d’un nouveau groupe parlementaire de 25 députés (issus de la Plateforme de gauche) et d’un nouveau parti, l’Unité populaire, convoque une réunion de son courant et dépose les statuts (le 24) du nouveau parti. Les autres composantes de l’opposition à Tsipras n’ont qu’à suivre… Quant à l’orientation, c’est celle d’un social-patriotisme auquel Lafazánis n’a jamais renoncé.
Le lendemain, trois des membres du bureau politique démissionnaient à leur tour.
Le 26 août, 53 membres du comité central démissionnaient. Enfin, 10 000 des 35 000 militants de Syriza seraient considérés comme partant, sans rejoindre nécessairement le nouveau parti.
Or, Syriza reste populaire. Et le fait d’avoir démissionné à ce moment là (sans avoir été exclu de Syriza) laisse le goût d’un combat trop tardif et d’une décision précipitée : d’un côté Lafazánis et ses proches ont accepté des mois durant de siéger dans le gouvernement avec l’AN.EL, et ont persisté malgré l’accord du 20 février, et de l’autre ils ont rompu avec Syriza quand il s’est avéré que, du fait des nouvelles élections, seraient perdu les sièges de députés que détenait la Plate-forme de gauche ; donnant ainsi l’impression d’être plus attachés aux postes (de ministres, de députés) qu’aux principes, comme si on ne pouvait plus combattre dans Syriza si l’on ne détient plus de tels postes.
Septembre 2015 : succès relatif de Tsipras aux législatives
L’objectif de Tsipras, en convoquant ces élections législatives anticipées était d’avoir les moyens de gouverner et de mettre en œuvre le troisième mémorandum. Il lui fallait donc retrouver une majorité au Parlement après le départ de l’aile « radicale » de Syriza le 21 août.
De ce point de vue, l’opération est une double réussite : d’une part, la majorité est reconduite et Tsipras demeure premier ministre d’un gouvernement réorganisé. D’autre part, non seulement Syriza est purgé de son aile radicale, mais la constitution d’une nouvelle force politique à l’extérieur de Syriza se traduit, à l’étape actuelle, par un sévère échec sur le plan électoral. L’Unité populaire n’obtient pas un seul député au Parlement : son groupe parlementaire n’aura vécu qu’un seul mois.
Tandis qu’en pourcentage (mais non en voix du fait de l’abstention élevée), Syriza ne recule presque pas malgré le départ de toute l’aile gauche.
Formellement, Alexis Tsipras en sort vainqueur : Syriza obtient 35,46% des suffrages (145 sièges, en comptant le bonus de 50 députés attribué au premier parti), ne perdant que 0,9% et démentant les sondages ; tandis que Nouvelle Démocratie obtient 28,10% (75) au lieu de 27,8 en janvier.
En pourcentages, les résultats des autres partis sont d’une grande stabilité : Aube dorée, avec 6,99% (18 élus) progresse de 0,7% (et perd 9000 voix) ; le Pasok (en alliance avec Dimar) atteint 6,28% ; le KKE 5,55% (quasi inchangé) mais perd 37 000 voix ; et Antarsya obtient 0,85% au lieu de 0,64%... avec 4000 voix de moins.
Seuls régressent To Potami 4,09% (11 députés) au lieu de 6,05% ; ainsi que l’AN.EL avec 3,69% des voix (au lieu de 4,75 %) et 10 élus (moins trois) ; mais c’est au profit de l’Union du centre (3,43% et 9 députés) au lieu de 1,79% en janvier un pseudo parti qui ne vaut pas mieux.
Mais cette stabilité n’est que relative : le taux d’abstention, sans précédent, passe de 36% en janvier à 43,43%, avec 800 000 votants de moins. C’est un record depuis la fin de la dictature en 1974.
Dans ces conditions, le nouveau parti issu de l’aile gauche de Syriza ne tira aucun profit d’une situation que beaucoup de militants imaginaient favorable. Ce fut au contraire un désastre.
L’Unité populaire : Le parti fondé notamment par l’ex Plate-forme de gauche ne réunit que 2,86% des suffrages. Avec moins de 3 %, il ne peut entrer au Parlement, et perd ses 25 députés. Même Zoé Konstantopoulou est éliminée malgré son immense notoriété (avec 8 892 voix au lieu de 44 219 en janvier).
Comment expliquer ce résultat ? Il y a certes le désarroi provoqué par la politique du gouvernement, et la signature du troisième mémorandum créant un sentiment d’impuissance… La ligne de défense de Tsipras semble avoir porté, se présentant comme défenseur du pauvre face aux « méchants » : « on a encaissé une défaite partielle avec le mémorandum » expliquait ainsi Euclide Tsakalotos « mais il y a des choses sur lesquelles on peut encore se battre » (Les Échos, le 18 septembre).
Sur cette base, la direction Tsipras a pu jouer la carte du « moindre mal » face au retour possible de nouvelle Démocratie. Mais cela ne peut suffire à expliquer le fiasco d’Unité populaire. La résolution adoptée, le 21 septembre, par DEA (Gauche ouvrière internationaliste), l’un des courants constitutifs de l’Unité populaire, indique : « il y a des raisons subjectives à cette défaite, des erreurs politiques importantes ». Reste à déterminer lesquelles.
L’échec de l’UP sur le plan électoral
Ses animateurs attendaient beaucoup de ces élections, espérant qu’une masse d’électeurs se détourneraient de Syriza. Ce fut le cas, mais cela profita à l’abstention, et non à l’UP.
L’ampleur de cet échec a fortement surpris nombre de militants. Différentes explications ont été tentées, surtout « techniques » (très faible délais de préparation, hostilité des médias, etc.).
Elles ont pesé. Mais il y a aussi, nécessairement, une erreur d’appréciation, et d’orientation.
Erreur d’appréciation : il y avait l’illusion que les masses, ayant pris conscience des méfaits de la politique du pouvoir se tourneraient spontanément, pour une part au moins, vers une force plus radicale. Or, la capitulation de Tsipras a provoqué d’abord du désarroi, favorisant l’abstention.
Erreur d’orientation : il y a d’abord la question de l’euro, dont Lafazánis a fait un point central de la campagne, affirmant la nécessité d’en sortir comme préalable à la satisfaction des revendications.
Or pour la masse des électeurs, il y avait la compréhension (ou l’intuition) que cette question, en soi, ne réglait rien : « nous avons insisté à l’excès sur la sortie de la zone euro » explique notamment DEA, et placé ce point « au-dessus d’un programme plus général ». Pour dire les choses autrement : sortir de l’euro en restant dans le cadre du capitalisme n’offre aucune issue ; à quoi bon si les salaires et retraites sont ensuite payés en monnaie de singe ?
À cela s’ajoute le fait que nombre de grecs, pour des raisons historiques, associent, comme au Portugal, l’autarcie économique et monétaire aux années de dictature. Ce point est d’autant moins anodin que le discours de Lafazánis est fortement marqué de nationalisme et de souverainisme.
Se référer au référendum, ou au programme initial de Syriza ?
Une autre question mériterait discussion : l’UP a mené campagne au nom du Non massif qui s’était exprimé lors du référendum du 5 juillet. Or, on l’a vu, ce Non aux exigences des créanciers était aussi un soutien à Tsipras contre les créanciers. Difficile dans ces conditions, pour mener une bataille électorale contre la politique de Tsipras, de s’appuyer sur un tel plébiscite. D’autant plus difficile que cela laissait de côté la politique de Tsipras menée de janvier à juillet, et en particulier l’accord du 20 février. La question centrale n’était-elle pas plutôt le programme pour lequel, en janvier, les travailleurs avaient voté : celui de Syriza de 2013, et celui, très édulcoré, de Thessalonique sur lequel Syriza fit campagne ?
Rompre avec Syriza, ou rompre avec le gouvernement ?
On en arrive à une question clef : la confusion, entretenue en particulier par Panayótis Lafazánis et son courant, entre Syriza et le gouvernement. Cette confusion s’exprime aussi, le 15 juillet, dans le discours de Zoé Konstantopoulou lorsqu’elle évoque, dans une même phrase « le gouvernement de la gauche et des forces anti-mémorandum » et « le gouvernement de Syriza et d’ANEL » comme si ces deux notions étaient identiques. Or, participer à la construction et à l’activité de Syriza était une chose ; mais participer au gouvernement d’alliance avec l’AN.EL, fut-ce en critiquant sa politique, en est autre. Il était légitime de militer au sein de Syriza plutôt que de rester marginal (comme Antarsya), à condition de demeurer indépendant du gouvernement (ce que fit DEA).
Et Lafazánis et ses amis, pas un instant, n’ont ensuite envisagé de démissionner du gouvernement, ni après l’accord du 20 février, ni pour refuser le paiement des dettes semaine après semaine. « Ils auraient dû quitter le pouvoir plus tôt », explique ainsi Yannis Androulidakis, journaliste anarcho- syndicaliste grec). Ce fut un facteur de confusion contribuant à entraver la mobilisation populaire, seule à même de mettre en échec cette politique, et cela contribua aux résultats du 20 septembre.