Nouvelles mesures pour soumettre la jeunesse
Une nouvelle fois, utilisant l’émotion et l’élan de protestation contre les attentats du 13 novembre 2015 qui ont particulièrement touché la jeunesse, Hollande entend renforcer le flicage des jeunes.
Alors que le capitalisme en crise n’offre pour tout avenir que la précarité massive, multiplier les mesures contraignant la jeunesse à se soumettre à « l’ordre » existant, à renforcer les possibilités d’exploitation au plus grand profit du patronat, tel est le sens des annonces d’Hollande lors des « vœux à la jeunesse et aux forces de l’engagement » (11/01/2016).
EMC, « parcours citoyen »…
Sans nommer la loi Peillon de refondation de l’école, Hollande décline certains aspects de sa mise en œuvre.
La loi fixe à tout enseignement l’obligation de développer chez l’élève son « sens moral », et « de partager les valeurs de la République et d’exercer sa citoyenneté ». (1)
Les enseignants ont désormais obligation « de promouvoir ces valeurs dans tous les enseignements et dans toutes les dimensions de la vie scolaire » et de ne manifester aucune « une réticence, voire une abstention, dans l’affirmation des valeurs transmises ». C’est ce que Peillon appelle « obligation de neutralité ». (2)
Et, faisant référence aux 300 heures d’enseignement moral et civique (EMC) sur la scolarité évaluée dans la cadre de « compétences du socle », ainsi qu’à l’obligation du « parcours citoyen » individualisé, (appelé à se poursuivre au lycée) et validé dans le nouveau brevet (DNB), Hollande ne fait que rappeler des aspects majeurs de la loi Peillon.
En effet une fiche du ministère rassemble les différents éléments de ce « parcours » : enseignement moral et civique, éducation aux médias et à l’information, participation des apprentis aux activités sociales et civiques des entreprises où ils effectuent leurs stages, préparation en amont de la Journée de défense et citoyenneté.
Car, selon la loi Peillon, le formatage moral à l’école doit être « tout aussi important que la maîtrise des connaissances disciplinaires » ! Et elle doit être complétée par nombre d’actions « qui relèvent de réformes et dispositions non législatives ». Pas à pas, le gouvernement met en œuvre ce programme.
…et livret citoyen
Ainsi, le 11 janvier 2016, Hollande annonce-t-il la création d’un « livret citoyen ». Car au nom de la « co-éducation », ce parcours citoyen doit se poursuivre en dehors de l’école. Avec les « projets éducatifs d’école ou d’établissement », la loi Peillon prévoit de lier l’école à divers partenaires. Elle cite explicitement des partenariats avec les parents, leurs associations, les mouvements d’éducation populaire, le secteur associatif (qui occupe une place importante dans l’économie, avec 1,8 million de salariés…).
Aussi, à 16 ans le jeune recevra un « livret citoyen » qui « retracera l’histoire de tous ses engagements, chaque action, y sera consignée, valorisée. ». De l’école jusqu’à 25 ans, ses « différents temps et formes d’engagement » y seront consignées. Et les associations seront associées à ce parcours.
Tout cela préparera à la Journée de défense et de citoyenneté qui sera prolongée d’une semaine. La jeunesse sera orientée vers toutes les formes d’engagement et vers le Service Civique.
SCU généralisé
Suite aux attentats du 7 et 8 janvier 2015, le devoir « d’engagement » inscrit dans la loi Peillon s’est concrétisé par l’annonce de l’extension du service civique créé par Sarkozy en 2010. Un article de L’insurgé présentait les aspects essentiels de ce SCU : travail gratuit, déqualification de la jeunesse, formatage idéologique et contrôle social (en lien avec l’évaluation des compétences comportementales à l’école. (3)
Hollande veut généraliser le SCU d’ici 2020. Les ministères, collectivités et administrations, les hôpitaux, les maisons de retraites, d’handicapés devront obligatoirement accueillir ces jeunes. Le SCU s’imposera pour entrer dans les « écoles de la fonction publique ». Pour les associations, ce sera là une aubaine !
Et Hollande encourage les entreprises à « participer au financement du SCU » et à regarder d’un œil plus favorable les candidats à l’embauche qui auront fait le SCU ! Il n’y a qu’un pas à franchir pour que le parcours citoyen inscrit dans le livret du même nom, et qui débouchera sur le SCU, soit consigné dans un « livret de conduite » que le patronat scrutera avec intérêt.

Bien que cela ait été à nouveau évoqué dernièrement, le service militaire obligatoire a bien peu de chance d’être rétabli. Rappelons que son objectif était double : assurer la « sécurité des frontières » et l’ordre intérieur ; formater la jeunesse à la discipline et au patriotisme. Le premier aspect est aujourd’hui assuré par l’armée de métier dont on renforce actuellement la « formation » à la guerre civile (entrainement à la guérilla urbaine et « modernisation » du matériel), une mission difficile à assurer aujourd’hui par une armée de conscription.
L’école, le SCU et tous les dispositifs qui lui sont liés doivent assurer le formatage idéologique et moral.
Travail et patrie
Hollande annonce aussi une nouvelle extension de l’apprentissage et de nouveaux cadeaux aux entreprises (le MEDEF réclame déjà l’exonération totale des cotisations patronales), sous couvert de « formation », de nouvelles contraintes sur les chômeurs. Ainsi, l’apprentissage pourra « s’exercer dans la cadre du service civique ». Un nouvel assouplissement du contrat d’apprentissage, ce qui sera tout bénéfice pour les patrons !
Et alors que le patronat réclame un contrat de travail « agile » (licenciement possible « lié à la situation de l’entreprise ou à la réalisation d’un projet »), se préparent de nouvelles mesures de précarisation des salariés.
Hollande veut élargir encore les possibilités de travail gratuit par le biais d’une réserve citoyenne (« une Garde nationale ») qui serait utilisée pour l’accueil des réfugiés, pour l’encadrement des chômeurs, l’aide aux élèves en échec scolaire, la sensibilisation à l’environnement, l’accès à la culture, et pour l’insertion des handicapés… ! Et il annonce un grand forum de l’engagement fin janvier. Bref, ce chantier nommé « La France s’engage » au « service de la Patrie » a pour but « la cohésion nationale ». Cette union nationale vise à limiter les mobilisations, à les détourner…
Pourtant, ces attaques ne peuvent être menées qu’avec la collaboration des organisations du mouvement ouvrier. Aucune mesure n’est votée à l’Assemblée sans qu’elle n’ait été au préalable préparée avec la caution, voire la collaboration des directions syndicales.
Il en est ainsi de l’application de chaque mesure de la loi Peillon.
La défense de la jeunesse passe par le combat pour un véritable droit aux études débouchant sur des diplômes nationaux, des qualifications reconnues dans les conventions et statuts collectifs, pour le droit au travail.
La défense des acquis arrachés dans l’après guerre, dont le CDI, le statut des fonctionnaires, l’exigence de la création massive de postes pour faire face aux immenses besoins s’inscrit contre le service civique universel. Cela nécessite de mener un combat classe contre classe.
« Le devoir de tout bon Français est de mériter un certificat de bonne conduite pendant son service militaire. C’est son intérêt, car cette pièce est fort utile pour trouver un emploi ».
Ces mots d’un lieutenant à la fin du XIXe siècle nous rappellent que la conscription a été instaurée pendant la révolution française par la loi Jourdan de 1798. La loi du 21 mars 1905 fonde le service militaire tel qu’il sera pratiqué tout le long du XXe siècle (suppression du tirage au sort, pas de possibilité d’exemption autre que médicale). Le certificat de bonne conduite était délivrée à l’issue du service militaire jusqu’à sa suspension en 1997 par Jacques Chirac.
(1) Loi Peillon, art. L 131-1-1 du code de l’éducation.
(2) Programme d’EMC primaire et collège.
(3) Service civique universel : nouveau CPE http://insurge.fr/15WEB/15BULLETIN/15_06_15_service_civique_universel.html
(4) Nicolas George, ’Tu seras chef de famille’, livre de lecture sur la morale domestique, Paris, Armand Colin & Cie, 1891, p. 127. http://combattant.14-18.pagesperso-orange.fr/Pasapas/E309CDBC.html