L’autre côté de l’espoir, un film à voir
Kaurismäki a l’art de montrer des situations complexes sous une apparente simplicité.
Trois plans suffisent à nous faire comprendre pourquoi Wikhström quitte sa femme et décide de refaire sa vie. Les premières scènes du film sont muettes. Le spectateur voit Khaled déambuler dans les rues d’Helsinki jusqu’aux bains douches de la ville. Le premier mot que l’on entend est « showers ». Ce minimalisme ironique est hautement symbolique : il ne s’agit pas seulement de se laver mais aussi de nettoyer toute trace du passé et de refaire peau neuve.
Wikhström aussi se débarrasse de son passé comme on nettoie la poussière sur soi. Il quitte sa femme sans cris et décide de ne plus exercer son ancien métier de représentant de commerce comme si c’était une évidence criante. Il décide de se lancer dans la restauration et rencontre un soir Khaled dans son local à poubelles, c’est là que deux destins se croisent, deux vies se redessinent.
Le thème des migrants avait déjà été abordé dans Le Havre, (2011, prix Louis Delluc) ce film était déjà une ode à la fraternité et aux petits miracles quotidiens. L’Autre côté de l’espoir met en garde le spectateur contre la tentation européenne du repli sur soi. Le propos de Kaurismäki est clair et son but précis : « Avec ce film, je tente de mon mieux de briser le point de vue européen sur les réfugiés considérés tantôt comme des victimes objets de notre apitoiement, tantôt comme des réfugiés économiques qui, avec insolence, veulent prendre notre travail, nos femmes, nos logements et nos voitures. » Avec ce film, Kaurismäki fait vite tomber les préjugés sur les réfugiés que la droite décrit comme des hordes de parasites vivant d’allocations indûment perçues.
Le film nous montre le parcours d’un individu dont le premier réflexe est de demander l’asile politique dans le pays où il débarque par hasard et non de nous faire voir des groupes de réfugiés invasifs passant les frontières de pays européens qu’ils menacent. Il ne s’agit pas de donner de leçons, cependant certaines scènes sont édifiantes. Le contraste est saisissant entre le bureau dépouillé où Khaled fait le récit de ce qu’il vivait en Syrie, le traitement froid des officiers de l’immigration qui lui refusent l’asile sous prétexte que la Syrie est considérée comme un pays sûr et les images d’archives montrant un chaos total annihilant le discours officiel finlandais.
La grande économie de moyens n’empêche jamais le propos d’être percutant. Tout tend vers l’épure : plans fixes sans mouvements de caméra, personnages peu causants, trop sérieux, jamais filmés en plan américain, éclairage violent mettant en relief les couleurs et les contrastes. Des décors qui font penser aux années 70 donnent un côté intemporel au film sans verser dans une nostalgie mièvre.
Les personnages décalés et une pointe d’humour savamment dosée évitent de rendre ce film trop pesant. J’ai vraiment apprécié la façon dont Kaurismäki traite un sujet aussi sensible avec poésie.
Ce film mérite amplement l’ours d’argent qu’il a décroché à la dernière Berlinale. Allez le voir, amenez-y vos amis. C’est plus efficace qu’un long discours politique.
O.B.