Les ATSEM et la « réforme » de la Fonction publique
Le gouvernement Macron prévoit une offensive sans précédent contre les fonctionnaires. Les premiers touchés seront les agents territoriaux et en particulier les Agents Territoriaux Spécialisés des Écoles Maternelles (ATSEM).
Ces personnels, en général des femmes, ont un statut. L’accès à la fonction d’ATSEM se fait par voie de concours ouvert aux titulaires du « CAP accompagnement éducatif petite enfance ». Le décret du 28 août 1992 est très précis sur les fonctions de l’ATSEM : « chargée de l’assistance au personnel enseignant pour la réception, l’animation et l’hygiène des très jeunes enfants ainsi que la préparation et la mise en état de propreté des locaux et du matériel servant directement à ces enfants ». Elle apporte donc assistance et aide au personnel enseignant mais n’en est en aucun cas l’adjointe.
Déjà la Ministre de la Fonction publique avait, en février 2017, précisé à propos des Agents Territoriaux des Écoles maternelles que « leurs missions étaient trop floues », et s’était emparé de ce dossier pour réformer leur statut. Des discussions s’étaient engagées avec les organisations syndicales (CGT, FO et CFDT).
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Mobilisation contre la suppression de postes d’ATSEM, Vierzon, mai 2016 |
Une vague de colère avait surgi. Alors que d’une commune à l’autre, les missions, les horaires, les conditions de travail de ces personnels ne sont pas les mêmes, l’exigence syndicale est que le rythme et les conditions de travail soient définis par décret. Les ATSEM réclament une valorisation de leur cadre d’emploi (statut, carrière, salaire.....) et de meilleures conditions de travail. Elles dénoncent la dégradation de leurs conditions de travail due au manque de personnel et à la réforme des rythmes scolaires de 2013 qui a alourdi leur charge de travail sur le temps d’activités périscolaires (TAP). Elles subissent aussi l’absence de plan de carrière, l’évolution impossible, l’apparition de nouveaux risques professionnels, la pénibilité, la difficulté à prendre des congés...
Leurs revendications sont les suivantes :
- Affectation d’une ATSEM par classe (alors qu’un consensus a été fixé pour affecter une ATSEM dans chaque classe de petite et toute petite section, une pour 2 classes de moyenne section et 1 pour 2 classes de grande section),
- La clarification du métier d’ATSEM,
- Un déroulement de carrière sur la catégorie B (elles appartiennent à un cadre d’emplois de la catégorie C),
- La reconnaissance de la pénibilité,
- La titularisation de tous les précaires,
- Le salaire minimum porté à 1 800 euros mensuel,
- Le rattrapage des pertes du pouvoir d’achat depuis 2014,
- La revalorisation des grilles de salaires...
Toutes ces revendications ont été portées par le Collectif des ATSEM de France (collectif né en décembre 2016) soutenu par les organisations syndicales CGT, FO et CFDT… car les ATSEM taillables et corvéables à merci étaient « fatiguées de servir de tout »... et qui a défilé dans la rue.
Des négociations avec les syndicats se sont engagées en juillet 2017. Mais les concertations se sont ensuite menées dans le cadre du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT), un organisme de co-gestion qui soumet les syndicats à un cadre institutionnel, entrave l’indépendance syndicale vis-à-vis de l’appareil d’État.
La réponse fut simple : le président du CSFPT (Conseil supérieur de la fonction publique territoriale) a indiqué qu’il ne voulait pas de pression de rue. Si le passage en catégorie B est envisagé, par contre l’évolution du métier d’ATSEM en particulier en matière d’autonomie pédagogique est discutable : dans certains départements, les ATSEM encadrent les classes de petite section (PS) l’après midi pendant que l’enseignant effectue un remplacement.
Quant au taux d’encadrement, c’est à dire du nombre d’agents par classe, il a estimé « qu’il s’agit là d’un choix qui relève actuellement de chaque commune ». Cela correspond aux demandes de l’association des maires de France (AMF) qui affirme qu’elle ne souhaite aucune modification de l’article 2 du décret portant sur le statut des ATSEM, ni des normes actuelles d’encadrement, indiquant qu’elle était cependant « favorable à une amélioration des conditions managériales de ces personnels ». Une telle formule s’inscrit contre la gestion statuaire des personnels au profit d’un alignement sur le privé.
Il n’y a donc aujourd’hui toujours pas de normes règlementaires... Le temps de travail journalier et les plages horaires de l’agent demeurent à la discrétion du Maire-employeur.
Ce qui se passe dans ce secteur est illustratif de l’offensive de Macron contre le statut.
Ainsi, le ministère envisage-t-il des formations communes entre enseignants et agents territoriaux, alors que dans le même temps, il existe de plus en plus de classes maternelles passerelles entre les crèches et les écoles maternelles, (comme à Mantes la jolie, à Lyon). Tout laisse à croire que ces « classes passerelles » (en partenariat entre les élus, les autres acteurs de la Petite Enfance et l’école) accueillant des enfants de 2 à 4 ans, se substituent de plus en plus aux classes de petites sections (PS), voire les moyennes sections (MS), lesquelles seraient incluses dans des sortes de jardins d’enfants. C’est une voie vers la municipalisation, voire la privatisation de l’école maternelle. Sous couvert « d’évolution », les ATSEM se substitueront aux professeurs d’école des maternelles (en PS et MS).
Par ailleurs, plusieurs écoles se retrouvent quotidiennement privées d’une ou de plusieurs ATSEM, les congés maladie ne sont pas remplacés.
Pire encore, le 20 juillet, lors d’une audition à l’assemblée nationale, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, annonçait vouloir valider l’expérience de parents et particulièrement celle des mères au foyer par l’obtention du « CAP accompagnant éducatif petite enfance » ou d’un « Brevet d’État d’éducatrice de jeunes enfants », brevet qui n’existe pas. Une telle annonce, qui est une profonde mise en cause de la qualification, s’inscrit pleinement dans le programme de Macron qui veut « en finir avec une société de statut » pour aller vers une « société de la mobilité ». Suffit-il d’avoir eu des enfants pour accompagner ceux des autres ? Les ATSEM ont un métier qualifié et statutaire.
Et dans le même temps, on fait, aujourd’hui, souvent appel à des jeunes en service civique (comme dans les communes de Bouafle et de Flins 78).
Tout cela marque la volonté de remplacer un personnel qualifié avec un statut par du bénévolat ou du travail gratuit. Les ATSEM (et les professeurs d’école exerçant en maternelles) sont les premières victimes des réductions budgétaires des communes. Elles seront les premières victimes du gouvernement Macron.
Leurs revendications participent pleinement du combat en défense du statut de la fonction publique et de statuts particuliers des agents, contre l’offensive de Macron et de son gouvernement qui ne peut que conduire à la privatisation de pans entiers de la Fonction publique.