Grèves en Allemagne

À l’occasion du renouvellement de la convention sur les salaires (Tarif autonomie), l’IG Metall appelle à des grèves d’avertissement dans toute l’Allemagne et demande une augmentation des salaires de 6% pour les 3,9 millions de métallurgistes, alors que le patronat propose 2%. Cette revendication est reprise à la Poste, dans les services publics et par d’autres corporations.
La poursuite et l’extension des grèves fin janvier attestent de la volonté de combat des travailleurs allemands confrontés à l’explosion des inégalités, mais aussi à des suppressions d’emplois (chez Siemens ou à Volkswagen (VW) qui envisage de licencier toute sa main-d’œuvre intérimaire d’ici 2020…). Cela traduit leur détermination croissante à lutter pour des hausses significatives de salaires et de meilleures conditions de travail.
Mais IG Metall, outre les salaires, met en avant une seconde revendication. Sous le slogan « Ma vie, mon temps », il demande que chaque travailleur soit autorisé à réduire sa semaine de travail de 35 heures à 28 heures pendant deux ans, avec une réduction de salaire correspondante. Les travailleurs ayant des enfants de moins de 14 ans ou ceux qui soignent des parents âgés recevraient une modeste compensation salariale pour la perte de salaire.
« Nous luttons pour une flexibilité du temps de travail », indique un responsable syndical. Mais pourquoi ne pas revendiquer une réduction du temps de travail la même pour tous sans diminution de salaires ?
« Les employeurs seront d’accord sur la demande de travail à temps partiel ainsi que le droit de revenir à temps plein, tant que le volume global des effectifs n’est pas réduit », écrit le Tagesspiegel. Et il précise : « Concrètement, cela signifie un éloignement de plus de la semaine de travail de 35 heures, autrefois une cause si célèbre. Jusqu’à présent, jusqu’à 18 pour cent des métallurgistes connaissent une semaine travail au-delà des 35 heures de l’accord. Ce quota pourrait disparaître et un accord variable de 28 heures à 40 heures. »
Accroître la flexibilité du temps de travail
Alors que les conventions collectives ont déjà subi nombre d’attaques, introduire ce « droit individuel » est un nouveau moyen de mettre en cause les droits collectifs qui unifient les salariés d’une branche, d’ouvrir la voie à de nouvelles mesures de flexibilité.
Actuellement, seuls 18% des salariés d’une entreprise peuvent déroger à la règle des 35 heures et travailler jusqu’à 40 heures hebdomadaires. Prenant modèle sur l’accord signé par l’IG Metall dans l’entreprise Trumpf, les employeurs veulent élargir cette possibilité à toute la métallurgie.
Pendant 2 ans les salariés de l’entreprise de machine-outil Trump peuvent choisir de travailler entre 15 et 40 heures par semaine. Un « compte épargne temps » permet aux salariés de cumuler jusqu’à 350 heures de bonus lors des pics de production et de les utiliser sous forme de congé lors des creux. Un bon moyen pour « gagner plus en travaillant plus » et surtout un bon moyen pour le patron d’élargir la flexibilité, de soumettre plus encore les salariés aux besoins immédiats de l’entreprise.
Les syndicats et le « devoir de paix ».
En Allemagne les travailleurs sont confrontés à la politique de cogestion menée par les appareils syndicaux – laquelle est inscrite dans la Loi fondamentale, la constitution allemande. Le Conseil de surveillance composé de représentants élus par les salariés et de représentants du capital a pour but de contribuer à la « sauvegarde de la paix dans l’établissement ». Le système garantit aux syndicats un strapontin dans les conseils d’entreprise, ainsi qu’une place centrale dans la négociation des conditions de travail.
Mais dans ce dispositif, le droit de grève est totalement encadré : il est interdit aux fonctionnaires ; toute grève « politique » contre des lois votées au Parlement, toute grève de « solidarité » est illégale ; la grève ne peut avoir lieu qu’à l’expiration des conventions, dans le cadre de leur renégociation entre les organisations syndicales et patronales (l’autonomie tarifaire). Le reste du temps, pendant la durée de la convention, les travailleurs et leurs organisations syndicales sont tenus au « devoir de paix ».
Alors qu’à plusieurs reprises, les travailleurs allemands ont engagé des grèves spontanées, cherchant à faire exploser ce carcan de la cogestion, c’est ce modèle de « dialogue social » que Macron veut instaurer en France.
Pour les travailleurs allemands, il y a nécessité d’imposer aux dirigeants du DGB, de ses syndicats, de rompre avec la ligne du « compromis », la ligne de la cogestion, faute de quoi les grèves resteront des grèves de pression sur le patronat. Peuvent alors être mise en avant les revendications auxquelles aspirent l’ensemble des travailleurs et la préservation des conventions collectives.