Kanaky - Nouvelle Calédonie : Bref rappel historique (II) (1988-2024)
C’est le 24 septembre 1853, dans un contexte de concurrence coloniale avec l’empire britannique, que l’impérialisme français prenait finalement « possession » de la Kanaky. Il y a donc 171 ans. Le numéro 47 de L’insurgé a rappelé les étapes essentielles de la colonisation de la Kanaky de sa découverte par James Cook en 1759 jusqu’à 1988. Comprendre les enjeux actuels nécessite de revenir sur les étapes récentes de la domination coloniale de l’impérialisme français, notamment sur les accords de 1988 et 1998, présentés comme un « processus de décolonisation ».
Les accord Matignon-Oudinot (1988)
Dans les années 1960-70 une nouvelle génération de militants kanaks s’engage pour l’indépendance. Et en 1984, est fondé le Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) regroupant l’essentiel des partis indépendantistes. De1984 à 1988 d’importants affrontements Kanaks et Calédoniens, puis entre Kanaks et militaires français culminent avec l’assassinat de militants kanaks sur l’île d’Ouvéa en 1988. Une véritable guerre coloniale qualifiée par l’État français d’« évènements » !
Les accords de Matignon (26 juin 1988) et Oudinot (20 août 1988) signés par Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, sous la houlette de Michel Rocard, Premier ministre sous la présidence de François Mitterrand incluent une amnistie générale pour les kanaks preneurs d’otages ainsi que pour les militaires présumés auteurs d’exactions ou d’exécutions sommaires Une célèbre poignée de main était alors échangée entre Jacques Lafleur et Jean-Marie Tjibaou.
Ces accords sont présentés comme un processus de décolonisation ouvrant la voie à l’indépendance.
Le film documentaires WAAN YAAT Sur une terre de la République française rappelle l’assassinat en 1984 de 10 militants kanaks pris en embuscade dont deux frères de JM Djibaou. Les 7 Caldoches accusés ont été acquittés au titre de la « légitime défense avec préméditation » (sic) ! |
Les accords de Nouméa (1998)
En 1998, les accords de Nouméa sont signés sous l’égide de Lionel Jospin. Ils prévoient des transferts importants de compétences de l’État français à la Nouvelle Calédonie et sont aussi qualifiés de nouvelle étape dans l’accession à la souveraineté et à l’indépendance.
Le territoire est découpé en trois provinces qui s’administrent librement. Mais le Sud et Nouméa qui concentre la population, les richesses, les investissements est aux mains des Caldoches anti-indépendantistes. Les provinces du Nord et Loyauté sont administrées par les indépendantistes. Au sein de chacune d’entre elles, une assemblée de Province est élue. La réunion des trois assemblées de Province forme le Congrès. L’exécutif est le gouvernement élu par le Congrès.
L’accord de Nouméa est présenté comme un « accord de décolonisation ». Il prolonge de 20 ans la période transitoire commencée en 1988 et doit mener vers la consultation d’autodétermination (trois référendums sont ainsi prévus). Un processus de très forte autonomie, avec transferts de compétences de l’État français est acté. Une série de lois organiques modifiant la loi de 1998 sont allées en ce sens. En même temps, le corps électoral pour le vote aux élections régionales est figé.
Un statut colonial
La Nouvelle-Calédonie n’est ni une collectivité territoriale, ni un département, une région ou une collectivité d’outre-mer. C’est une collectivité « sui generis », ou « collectivité d’outre-mer à statut particulier ». Elle est représentée au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental de la République dans les conditions fixées par les lois organiques. Cela dit, l’État français garde ses pouvoirs régaliens. Si ce n’est pas là un statut colonial, qu’est-ce qu’un statut colonial ?
L’État est représenté en Nouvelle Calédonie par le Haut-commissaire de la République qui a la charge des intérêts nationaux, et assure la direction des services de l’État sur le territoire. Ce Haut-commissaire est préfet de la zone de défense de Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna.
L’État est compétent dans les matières énumérées limitativement par la loi et, notamment, les relations extérieures, le contrôle de l’immigration et des étrangers, la monnaie, le Trésor, les changes, la défense, la justice, la fonction publique de l’État, le maintien de l’ordre et la sécurité civile, l’enseignement supérieur et la recherche.
Cette domination coloniale est inscrite dans le préambule des accords de Nouméa :
« il convient d’ouvrir une nouvelle étape, marquée par la pleine reconnaissance de l’identité kanak, préalable à la refondation d’un contrat social entre toutes les communautés qui vivent en Nouvelle-Calédonie, et par un partage de souveraineté avec la France, sur la voie de la pleine souveraineté ». (…)
« Le passé a été le temps de la colonisation. Le présent est le temps du partage, par le rééquilibrage. L’avenir doit être le temps de l’identité, dans un destin commun ». (…)
« Au terme d’une période de vingt années, le transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes, l’accès à un statut international de pleine responsabilité et l’organisation de la citoyenneté en nationalité seront proposés au vote des populations intéressées. Leur approbation équivaudrait à la pleine souveraineté de la Nouvelle-Calédonie ».
Lettre du Premier ministre Pierre Messmer, adressée le 19 juillet 1972 à son secrétaire d’État aux DOM-TOM
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