Le peuple palestinien menacé d’éradication - Une première urgence : imposer l’arrêt des opérations militaires contre les Palestiniens, et la levée du blocus de Gaza
En dépit des tentatives de verrouillage de l’information (journalistes étrangers interdits de séjour à Gaza, journalistes palestiniens tués par dizaines selon RSF) plus personne ne peut nier la réalité : le massacre de la population palestinienne jour après jour, la destruction systématique des hôpitaux, des écoles, des logements… La famine organisée, les déplacements forcés de population, c’est ce à quoi ont été confrontés les Gazaouis depuis octobre 2023 jusqu’à ce mois de juin 2025 (sauf une trop brève accalmie du 19 janvier au 17 mars 2025).
« Des actes génocidaires »
« Rien ne me préparait à ce que j’ai vu et vécu à Gaza. Rien de rien. De rien. ». Ainsi débute le dernier ouvrage de l’historien Jean-Pierre Filiu, récit des semaines passées dans la bande de Gaza.
Le 9 avril, le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme a rappelé : « Tout recours à la famine contre la population civile en tant que méthode de guerre constitue un crime de guerre, de même que toute forme de punition collective ».
« Action de génocide » dit de son côté un représentant de l’ONU.

Le 13 mars 2025, une Commission d’enquête mandatée par le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU affirme que les attaques « systématiques » d’Israël contre la santé sexuelle et reproductive à Gaza sont des « actes génocidaires », ce qui inclut « le fait d’infliger délibérément des conditions de vie calculées pour entraîner la destruction physique des Palestiniens et d’imposer des mesures visant à empêcher les naissances ».
On estime à plus de 54 000 le nombre de Palestiniens tués depuis octobre 2023, quasi tous des civils qui n’étaient en rien responsables de la politique du Hamas, lequel Hamas avait –le 7 octobre – tué près de mille deux cents Israéliens, en majorité des civils, et pris 250 otages.
L’aide humanitaire est totalement bloquée pendant plus de 2 mois (« l’entrée de toutes les marchandises et fournitures dans la bande de Gaza doit être interrompue » déclare Netanyahou le 2 mars). L’étau est ensuite desserré, mais à peine : « C’est l’endroit le plus affamé du monde », a lancé le 30 mai Jens Laerke, porte-parole du bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU « C’est la seule zone délimitée, [le seul] pays ou territoire défini à l’intérieur d’un pays, où la totalité de la population est menacée de famine. 100 % de la population est menacée de famine ».
C’est « un mouroir pour ne pas dire un cimetière » résume le 20 mai Jean-Noël Barrot, ministre français des Affaires étrangères.
Au-delà des formules plus ou moins réservées, c’est bien à un génocide que l’on assiste, une entreprise impitoyable conduite pour éradiquer de toute population palestinienne Gaza et la Cisjordanie.
Inquiétude des impérialismes européens
C’est au point que les gouvernements des grandes puissances traditionnellement défenseurs d’Israël s’en inquiètent, redoutant la colère que suscite cette politique notamment parmi la population des pays arabes de la région. Ainsi Jean-Noël Barrot explique que cette guerre menée contre le peuple palestinien, « est contraire à la sécurité d’Israël, à laquelle la France est attachée, car qui sème la violence, récolte la violence. ».
Le gouvernement français n’est pas le seul à s’inquiéter.
Dans une déclaration commune du 19 mai, s’indignant des « actions scandaleuses » menées à Gaza, Emmanuel Macron, Keir Starmer, le Premier ministre britannique, et Mark Carney, son homologue canadien, ont menacé Israël de « mesures concrètes » « Si Israël ne met pas fin à la nouvelle offensive militaire et ne lève pas ses restrictions sur l’aide humanitaire ». Ils promettent aussi des « mesures ciblées » si Israël ne met pas fin aux « implantations qui sont illégales et compromettent la viabilité d’un État palestinien ».
Et ils ont annoncé : « Nous sommes déterminés à reconnaître un État palestinien en tant que contribution à la réalisation d’une solution à deux États ».
Un soutien continu à la colonisation israélienne
Si les grandes puissances, dont la France, ont fait preuve jusqu’à aujourd’hui de détermination, c’est plutôt dans leur soutien constant à la politique d’Israël. Année après année, décennie après décennie, Israël a pu maintenir par exemple son emprise militaire en Cisjordanie, poursuivre l’expropriation des Palestiniens et développer de nouvelles colonies, bien que celles-ci aient été considérées comme « illégales ».
C’est d’abord le cas des États-Unis : que son gouvernement soit « républicain » ou « démocrate », il contribue au financement et à l’équipement de l’armée israélienne.
Avec Trump, un nouveau pas a été franchi, avec la proposition de vider Gaza de toute sa population palestinienne pour y construire une Riviera : un cynisme qui n’a guère de précédent (il s’agit de « transformer Gaza en une véritable côte d’azur » déclare-t-il le 4 février).
Dans le même sens, Trump déclare, le23 février, avoir débloqué pour l’armée d’Israël la livraison de 1800 bombes de grande puissance (de près de 1000 kg) et ultra précises.
Mais la position française, bien que plus hypocrite, va dans le même sens.
C’est ainsi que la France doit théoriquement respecter ses obligations de membre de la Cour pénale internationale (CPI), organisme judiciaire qui est entré en vigueur en 2002 et qui est ratifié par 124 États. Elle a l’obligation de coopérer avec la Cour dans la mise en œuvre des mandats d’arrêt que celle-ci a émis, dont le mandat visant Netanyahou. Or, Paris a récemment autorisé le survol de son territoire par un avion transportant le Premier ministre israélien, ce qui constitue un manquement aux obligations qui lui incombent en vertu du Statut de Rome fondant la CPI.
Une fois encore cela atteste que le mal nommé « droit international » n’est qu’une collection de textes dont les grandes puissances font ce qu’elles veulent et dont le gouvernement de Netanyahou, avec leur accord, peut s’émanciper.
Un « état palestinien » sans territoire
Il y a un peu plus de 30 ans déjà les accords d’Oslo prévoyaient un état palestinien, mais qui n’était qu’une fiction ; une collection de bantoustans sous contrôle de l’État d’Israël.
Mais même cette fiction semble aujourd’hui irréalisable, qui impliquerait le départ de centaines de milliers de colons israéliens qui s’y sont depuis installés.
Et le projet de Trump de transformer Gaza en Riviera, après avoir déporté deux millions de Palestiniens en Égypte et en Jordanie, est un nouveau feu vert donné à Netanyahou.
Outre la destruction de Gaza, peut donc se poursuivre l’expropriation des Palestiniens de Cisjordanie.
Israël se livre désormais à une entreprise visant à transformer l’occupation militaire de la Cisjordanie (qui dure depuis 1967) en pure et simple annexion.
Toute une série de mesures sont prises pour annexer en particulier la zone C définie dans l’accord de 1993 (accord sur l’autonomie), zone où Israël conserve tous le pouvoirs militaires et civils, zone représentant 60% de la Cisjordanie et où vivent 300 000 Palestiniens. Or cette annexion est jugée illicite par la Cour Internationale de Justice.
De même, le ministre des Finances israélien, Bezalel Smotrich, d’extrême droite, a annoncé jeudi 29 mai la création de 22 nouvelles colonies juives en Cisjordanie. Neuf seront créées ex-nihilo ; les autres sont des avant-postes créés par des colons sans l’aval du gouvernement et qui vont être ainsi légalisées.
Et de manière provocante, Israël Katz, le ministre de la Défense israélien, déclare le 30 mai : c’est « un message clair à Macron, et à ses amis : ils reconnaîtront un État palestinien sur le papier, et nous construirons ici l’État juif israélien sur le terrain. Le papier sera jeté à la poubelle de l’histoire, et l’État d’Israël prospérera et fleurira. ».
Quant à Gaza, Netanyahou a expliqué le 30 mars vouloir « mettre en œuvre le plan Trump » visant à l’expulsion de la population de Gaza pour installer un projet immobilier de luxe.
Seule véritable difficulté : aussi réactionnaires soient les gouvernements des États arabes, ils ne peuvent accepter ce plan du fait de leur opinion publique.
Ainsi la Ligue Arabe (Organisation des États arabes) a immédiatement rejeté ce plan et formulé un contre-projet de reconstruction de Gaza. Chiffrée à 53 milliards de dollars, cette reconstruction se ferait en deux phases, sans que soit déplacée la population palestinienne, et prévoit la construction d’une zone industrielle, d’un port et d’un aéroport.
Et en dépit des accords d’Abraham signés en 2020, qui ont vu quelques États arabes (Maroc, Bahreïn, Émirats arabes unis et Soudan ) reconnaître Israël (accords de normalisation conclus en 2020), l’écrasante majorité des États arabes (sauf l’Égypte) continue à ne pas « reconnaître » Israël bien qu’ils soient tout à fait disposés à le faire (28 des 193 États membres de l’ONU, dont 15 de la Ligue Arabe n’ont jamais reconnu Israël ou ont cessé de le faire).
C’est à cette non-reconnaissance de l’État d’Israël (laquelle contribue à l’instabilité de la région, ce qui est préjudiciable aux investissements capitalistes) que Macron et les autres dirigeants des puissances impérialistes veulent mettre fin.
Donnant donnant
Près de 150 pays (sur 193) reconnaissent actuellement la Palestine en tant qu’État (l’Irlande, la Norvège et l’Espagne ont déclaré leur reconnaissance en mai 2024). Ces reconnaissances n’ont quasi rien changé pour les Palestiniens, car ce qui est décisif, c’est la position des impérialismes dominants : les États-Unis, ainsi que la Grande Bretagne, la France et l’Allemagne.
Sur le fond, il n’y a pas de désaccord entre ces puissances : l’objectif est bien une « solution à deux états » garantissant la sécurité d’Israël, sur la base d’une reconnaissance d’Israël par tous les états de la région avec, comme monnaie d’échange, la reconnaissance d’un « État palestinien »aussi fictif fût-il.
Mais cela n’exclut pas des rivalités (économiques notamment) entre grandes puissances, sur lesquelles jouent les puissances moyennes de la région : c’est ainsi qu’on a vu Trump courtiser l’Arabie Saoudite, un Trump dont les yeux étincelaient en évoquant, le 13 mai à Riyad, les centaines de milliards d’investissements promis par le prince régnant à Riyad, lequel Prince ne peut officiellement accepter l’expulsion de 2 millions de Palestiniens de Gaza.).
Et c’est ainsi qu’on a vu les puissants d’Europe, Macron en tête, désavouer le projet américain de nouvelle riviera et faire la cour aux riches états pétroliers, tels l’Arabie Saoudite - gros consommateurs de matériels militaires – en soutenant le projet alternatif de la Ligue arabe.
Macron à la manœuvre
En relançant cette perspective, Macron tente de reprendre la main. Il veut préserver ses liens avec les gouvernements arabes de la région, comme l’Arabie saoudite, et (« en même temps ») conforter la sécurité d’Israël, dût-il passer par-dessus la tête d’un Netanyahou dont l’avenir personnel demeure incertain (menacé qu’il est de poursuites judiciaires dans son propre pays), et dont la fuite en avant militaire est jugée préjudiciable à terme pour Israël.
C’est ainsi que le 9 avril, Macron déclare : « Nous devons aller vers la reconnaissance, et donc, dans les mois qui viennent, nous irons vers cela ».
L’échéance est fixée à juin, lors d’une conférence de l’ONU coprésidée par la France et l’Arabie saoudite à New York avec l’objectif d’avancer vers une solution à deux États après 20 mois de guerre à Gaza.
« Notre objectif est (…) de présider cette conférence avec l’Arabie saoudite où nous pourrions finaliser le mouvement de reconnaissance réciproque par plusieurs », « une dynamique collective, qui doit aussi permettre à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que beaucoup d’entre eux ne font pas ».
De son côté, Israël rejette explicitement l’idée d’un État Palestinien en Palestine et interpelle durement Macron accusé de mener une croisade contre Israël. Le ministre Jean-Noël Barrot n’en réaffirme pas moins le sens de la politique de son gouvernement : « La France soutient l’idée d’un État palestinien, démilitarisé, assorti du désarmement de groupes terroristes et d’une architecture régionale de sécurité intégrant Israël. C’est l’intérêt des Israéliens et de leur sécurité ». Cet « état » palestinien sera donc sous tutelle, à la merci des puissances voisines, dont Israël qui fait tout pour que soit annihilé ce projet.
Une illustration de macronisme : Déclaration conjointe France-Indonésie
À l’occasion de sa visite en Indonésie (le plus peuplé des états musulmans), le 28 mai 2025, Macron a trouvé une oreille attentive. Une déclaration commune indique entre autres :
« La France et l’Indonésie ont réitéré leur soutien à l’initiative arabe sur le plan de reconstruction pour Gaza, qui offre une voie réaliste pour la reconstruction de Gaza.
La France et l’Indonésie ont rappelé que ce plan doit ouvrir la voie à une nouvelle gouvernance palestinienne de Gaza, dirigée par l’Autorité palestinienne », ce qui serait un retour au statu quo ante.
« La France et l’Indonésie ont en outre souligné que l’objectif de la conférence serait d’impulser une reconnaissance collective de l’État de Palestine par tous les pays, avec des garanties de sécurité pour tous ». Et « ont souligné que la conférence devrait également permettre de progresser vers la mise en œuvre de la solution à deux États, où les deux pays peuvent vivre côte à côte en paix à l’intérieur de leurs frontières internationalement reconnues ».
Dans ce cadre, ajoute le président indonésien Prabowo Subianto, « nous devons reconnaître et garantir les droits d’Israël en tant que pays souverain, auquel il faut prêter attention et dont la sécurité doit être garantie ».
L’urgence absolue
L’urgence absolue, ce n’est pas de faire des phrases sur la solution (à deux états, ou confédérés, etc.) c’est d’arrêter la boucherie, d’imposer le retrait de l’armée d’Israël :
– Arrêt immédiat des bombardements ! Retrait de l’armée israélienne de Gaza ! Accès immédiat des secours humanitaires (alimentaires, médicaux, etc.), et libération de tous les prisonniers et otages politiques détenus de part et d’autre.
Ce qui est en jeu, c’est la survie même du peuple palestinien dont une grande part est réfugiée au Liban, en Jordanie, etc. Et l’autre partie massacrée à Gaza, et en cours d’expropriation en Cisjordanie.
Le gouvernement israélien s’y refuse ? Les gouvernements qui l’ont jusqu’alors protégé, dont Macron, et qui jugent « scandaleuses » les actions du gouvernement d’Israël, ont les moyens de se faire entendre : ces gouvernements peuvent prendre toutes les mesures économiques, politiques et financières pour mettre fin à la politique de Netanyahou et lever le blocus de Gaza.
C’est à ces gouvernements qu’il convient d’imposer :
– Le rappel de l’ambassadeur (et la rupture des relations diplomatiques, ce qu’a fait la Bolivie dès l’automne 2023)
– La rupture de l’accord d’association Europe-Israël, et des accords de coopération universitaire dans le cadre de BDS.
– L’arrêt de toute livraison d’armes ou de matériel utile à l’armée d’Israël, le refus que soient présentes, en juin, des entreprises israéliennes d’armement au salon aérospatial du Bourget
– Et l’arrêt des mesures liberticides visant en France les militants et associations qui se prononcent en défense du peuple palestinien.
2 juin 25