Brefs rappels sur la loi de la valeur
La « loi de la valeur » constitue la face cachée du système capitalisme. Bien qu’elle soit au cœur du mode de production capitaliste et qu’elle permette d’en comprendre le fonctionnement, elle demeure volontairement dissimulée, niée, par le discours économique officiel : car il ne s’agit pas seulement d’un objet théorique. Les conséquences qui en découlent sont quotidiennes dans la lutte entre les travailleurs et les capitalistes.
Toute marchandise apparaît sous un double aspect ; celui de la qualité et celui de la quantité.
Chaque marchandise apparaît d’abord comme un objet satisfaisant des besoins humains. Toute chose, pour être considérée comme marchandise, doit avoir une utilité pour au moins une personne : c’est ce qui fait la valeur d’usage de cette marchandise. Cette valeur d’usage se réalise dans la « consommation » de la marchandise.
Par ailleurs, on observe que les différentes marchandises s’échangent les unes contre les autres ; on peut toujours exprimer une quantité de marchandise A en fonction d’une quantité de marchandise B. Cela suppose qu’il existe quelque chose de commun entre ces marchandises, au delà des qualités physiques des marchandises, de leur caractère utile : c’est le fait d’être des produits du travail humain. C’est cette cristallisation de travail humain qui fait la valeur d’échange des marchandises.
La valeur d’échange se mesure par la quantité de travail dépensée pour produire ces marchandises, autrement dit par le temps de travail matérialisé dans les marchandises. Il ne s’agit pas de temps de travail particulier, mais de temps de travail général, socialement nécessaire. Il correspond au temps qu’exige tout travail exécuté avec le degré moyen d’habileté et d’intensité, dans des conditions de production « normales » pour le milieu social donné.
Certains font dériver la valeur d’échanges des marchandises de la loi de l’offre et de la demande : la valeur d’échange serait la valeur d’équilibre obtenue sous l’action de forces contraires, l’offre et la demande. Mais cela n’explique pas pourquoi la valeur d’équilibre se fixe à un certain niveau et pas à un autre. Les prix, sous l’influence de l’offre et de la demande, varient autour de la valeur d’échange des marchandises.
Au cours de l’histoire, les hommes ont peu à peu été dépossédés des moyens de production, des outils leur permettant de mettre en œuvre leur propre travail. De nos jours, la grande majorité des travailleurs sont obligés, pour pouvoir survivre, de vendre leur force de travail à un capitaliste. Le salaire est ce que le capitaliste donne en échange de cet usage de force de travail.
Mais comment est déterminé le salaire ? La force de travail est une marchandise comme une autre : pour pouvoir utiliser sa valeur d’usage, le capitaliste doit payer pour sa valeur d’échange, le salaire. Le prix de la force de travail, comme celui de toute autre marchandise, est déterminé par la quantité de travail nécessaire pour produire, développer, entretenir et perpétuer cette force de travail. Autrement dit, le salaire est déterminé par ce qui est nécessaire au travailleur pour se nourrir, se former, et avoir des enfants. (Les qualifications, qui contribuent à déterminer les salaires, correspondent elles-mêmes au temps plus ou moins grand nécessaire pour les acquérir).
La force de travail présente néanmoins une particularité par rapport aux autres marchandises : sa valeur ne dépend pas uniquement de données physiologiques, mais provient également de données historiques et sociales. Les besoins humains évoluent, les travailleurs imposent un standard de vie traditionnel : il devient normal que chacun puisse satisfaire ces nouveaux besoins. Ce salaire normal n’est pas toujours respecté ; il peut descendre en dessous du minimum physiologique en temps de crise. Suivant les rapports de force en présence, il s’écarte plus ou moins du minimum physiologique.
Si toutes les marchandises s’échangeaient à leur propre valeur, tout échange serait effectué entre marchandises équivalentes, et tout profit serait impossible. Le profit ne peut pas provenir d’une hausse artificielle des prix : les profits des acheteurs compenseraient les profits des vendeurs, il n’y aurait globalement pas de plus-value, pas de profit.
Pour qu’un profit soit possible, il faut que le capitaliste découvre sur le marché une marchandise possédant la capacité de produire plus de valeur qu’elle en possède : c’est la force de travail. L’entretien de la force de travail d’un ouvrier peut bien coûter une demi-journée de travail, il reste capable de travailler toute la journée. La loi de la valeur est respectée et le capitaliste s’approprie une part du travail de l’ouvrier, ce qu’on appelle le surtravail.
La distinction entre « travail » et « force de travail » est donc fondamentale, même si, dans l’usage courant, on parle de « prix du travail » ou de « valeur » du travail. En apparence, c’est le « travail » qui a un prix (ce prix étant l’expression monétaire de sa valeur), mais en réalité c’est sa « force de travail » que l’ouvrier met à disposition du capitaliste, c’est cette force de travail vendue en échange d’un salaire qui a une « valeur ».
Le capitaliste acquiert cette force de travail à sa valeur, qui est mesurée d’après la valeur des marchandises nécessaires à son entretien.
Mais ayant acquis l’usage de cette force de travail, il peut en faire usage sur un temps plus ou moins long : non seulement il exige que ce travail puisse remplacer au minimum le salaire accordé au salarié en échange de sa force de travail, mais il veut en tirer un profit. La « valeur » produite au bénéfice du capitaliste par le travail du salarié doit donc excéder la simple « valeur » de la force de travail.
La valeur de celle-ci est déterminée, répétons le, par la quantité de travail nécessaire à son entretien ou à sa reproduction. Par contre, l’usage de cette force de travail n’est limité que par les capacités physiques de l’ouvrier… et la résistance du prolétariat.
On comprend dès lors l’enjeu que représente la durée du travail, le capitaliste menant un combat incessant pour allonger le temps de travail sans accroître le salaire, et la classe ouvrière luttant sans cesse pour limiter la durée de ce temps de travail.
On appellera surtravail ce temps supplémentaire extorqué à l’ouvrier, et plus value la valeur excédentaire produite par l’ouvrier, plus value pour laquelle il n’est pas rétribué.
Lorsque le capitaliste vend ensuite la marchandise produite, il peut récupérer en argent (en équivalent monnaie) non seulement la valeur produite par l’ouvrier mais aussi la plus value : c’est de la réalisation de cette plus value que résulte le profit.
Le taux de la plus-value mesure dès lors le rapport entre la partie non payée de la journée de travail et la partie payée, c’est-à-dire entre la plus value produite et la simple valeur payée au travailleur. Il va croissant quand la part relative non payée augmente.
Quant au taux de profit, il mesure le rapport entre la plus value accaparée par le capitaliste et la masse des capitaux qu’il a engagés dans la production, capitaux nécessaire à l’achat de matière première, d’outils, énergie, etc… (c’est le capital mort) et à l’achat de la force de travail sous forme de salaires et de cotisations sociales (capital vif).
L’évolution que peut connaître ce taux de profit moyen fera l’objet d’un article ultérieur.