Le PKU, étranger au mouvement ouvrier
Si nombre d’articles consacrés à l’Ukraine n’évoquent guère la question du Parti communiste ukrainien (PKU), quelques médias valorisent l’activité de ce parti, quitte à « oublier » ce qu’a été son rôle durant les derniers mois.
Cette valorisation fut notamment le fait de L’Humanité durant tous les mois écoulés, conformément à l’orientation du PCF. Celui-ci se déclara solidaire du Parti communiste ukrainien, en particulier à l’occasion des menaces d’interdiction proférées contre ce parti (sans qu’il y ait eu concrétisation à ce jour) ou à la suite d’un pugila dans l’enceinte de l’assemblée, mettant aux prises le représentant du PKU et « deux députés du groupe ultranationaliste ukrainien Svoboda » qui « ont agressé mardi au Parlement à Kiev, le secrétaire général du PC ukrainien Petro Simonenko » (communiqué du 9 avril). Et le PCF de déclarer : « Face à tels agissements inqualifiables, le PCF exprime sa solidarité avec Petro Simonenko et le PC ukrainien ».
En l’occurrence, il ne s’agissait pas seulement pour le PCF de défendre les droits d’expression d’un parti quelconque, mais d’assurer la défense d’un parti dont le PCF valorise l’action, et reprend à son compte la politique. En témoigne un communiqué du 4 mars qui indiquait notamment : « Le PCF réitère sa solidarité active avec les communistes ukrainiens qui mènent une lutte courageuse tout autant contre le régime Ianoukovitch que contre les nationalistes et l’extrême droite ukrainienne, ainsi que sa solidarité avec les forces démocratiques et progressistes ukrainiennes, et avec le peuple ukrainien. (…).
Le Parti communiste français apporte son soutien en ce sens à l’initiative du Parti communiste d’Ukraine d’un référendum qui puisse permettre aux Ukrainiens de décider souverainement de toutes les questions de politique intérieure et extérieure, et économiques qui engagent l’avenir de leur pays ».
Cette campagne menée par L’Humanité est reprise de manière caricaturale par divers courants « nostalgiques » de l’époque stalinienne. Ainsi le Pôle de renaissance communiste en France, ou PRCF, « affirme sa solidarité de classe totale avec les communistes ukrainiens. Ceux-ci sont les vaillants représentants des travailleurs et de l’intérêt national dans ce pays livré aux néo-nazis commandités par l’UE, les USA et par leurs valets pseudo-démocrates du gouvernement Hollande » (sic).
Cette campagne, qui se réfracte peu ou prou sur une partie de « l’extrême gauche » française, est grossièrement mensongère.
Il en est ainsi de la prétendue « lutte courageuse » du PKU « contre le régime de Ianoukovitch ». Cette affirmation est une sinistre plaisanterie. Rappelons que ce régime s’appuyait, au Parlement, sur une alliance de trois partis, dont le PKU… Rapidement, l’un des trois fit défection, mais le PKU continua, au côté du Parti des régions, de soutenir Ianoukovitch. Début décembre, il refusa de voter la motion de défiance présentée par l’opposition « libérale » (tout autant bourgeoise que la coalition au pouvoir) et se contenta de critiques fort mesurées à l’égard du gouvernement.
En témoigne le long plaidoyer envoyé le 12 décembre par le PKU aux autres PC pour justifier sa politique, et formuler quelques « critiques » à l’égard du pouvoir. La première « erreur » du Président aurait ainsi d’avoir fait des « promesses sur l’Union européenne »… Mais pas un mot n’est dit, par exemple, sur la profonde corruption du pouvoir (cf. « les précisions du Parti Communiste Ukrainien (KPU) sur la situation sociale du pays », site : http://herault.pcf.fr/47963).
De toute façon, ces « critiques » n’ont pas empêché le PKU de continuer à soutenir en pratique le régime au moment où des centaines de milliers de manifestants exigeaient le départ du Président.

Dictature
Plus clairement encore, le soutien à Ianoukovitch s’exprima par le vote des députés du PKU, le 16 janvier, en faveur des lois liberticides. Mais L’Humanité oublia d’informer ses lecteurs du vote de ces élus…
De même, quand douze jours plus tard, les députés furent contraints par la mobilisation d’abroger ces lois, L’Humanité oublia d’informer ses lecteurs que le PKU fut le seul parti à ne pas voter leur abrogation. C’est cela, la « lutte courageuse » du PKU contre Ianoukovitch ?
Le PKU chercha à justifier le vote de ces lois. On en trouve trace sur le site de Réveil communiste (l’une des fractions archéo-stalinienne liée au PCF) avec, le 29 janvier, un texte du PKU affirmant que « ces lois sont pleinement compatibles avec les normes démocratiques occidentales et elles sont la traduction réelle, totalement identiques à la législation actuelle de l’UE et les États-Unis ». Outre le fait que certaines de ces lois étaient plutôt identiques à celles que Poutine avait fait voter à Moscou, l’existence de lois analogues, tout aussi répressives, dans l’Union Européenne ou aux États-Unis, ne pouvait en aucun cas justifier le vote !
Certes, ce n’est pas la première fois qu’un « parti communiste » mène une politique contre révolutionnaire, comme peut le faire aussi un « parti socialiste » ou « social démocrate ». De telles organisations, définitivement passées du côté de l’ordre bourgeois, n’en restent pas moins marquées (plus ou moins) par leur origine ouvrière. Mais, concernant l’actuel PKU, il ne s’agit pas d’une organisation qui aurait été fondée par la classe ouvrière.
Rappelons que l’ancien Parti communiste, en Ukraine comme en Russie, fut politiquement détruit, dénaturé par la répression stalinienne, ses cadres exterminés. Il devint alors une excroissance de l’appareil d’État bureaucratique.
Puis, en 1991, dans un même processus, l’URRS se disloqua, la politique de restauration du capitalisme s’accéléra, et le Parti communiste fut interdit dans nombre de républiques. En Ukraine, l’indépendance fut entérinée par référendum (90% de oui, pour 84% de votants).
Un « parti communiste » fut ensuite re-constitué en 1993, reprenant le même nom et certains éléments de discours, mais ce nouveau parti fut construit non par les travailleurs, mais par des débris de l’ancien appareil d’État soucieux de préserver leurs prébendes.
Et de fait, durant vingt ans, le PKU s’intégra totalement dans le jeu des alliances et des affrontements entre les oligarques, par partis politiques bourgeois interposés.
L’actuel PKU n’est donc pas un parti d’origine ouvrière. C’est une organisation bourgeoise par sa construction (indépendamment du fait que certains ouvriers peuvent voter pour ce parti, tandis que d’autres travailleurs votent pour les autres forces bourgeoises).
Il est donc inexact, comme le font certains, de considérer que ce PKU ferait parti du mouvement ouvrier et que la seule chose qui pourrait lui être reproché serait d’avoir « une orientation réformiste » (1). Le PKU n’est que l’un des partis bourgeois ukrainiens.