On ne peut arracher les revendications essentielles sans mettre en cause le pouvoir
Après plus de deux mois de mobilisation pour exiger le retrait du projet de réforme des retraites de Macron, le président de la République a imposé son adoption par le biais des « outils » caractéristiques du système antidémocratique de la Ve République (articles 49 ter, 47.1, 44.3…) [1].
Aujourd’hui, les responsables syndicaux et politiques tendent à accréditer l’idée que le Conseil constitutionnel avec ses neuf « sages » serait un dernier recours, « l’arbitre suprême ». Cette institution créée par la Constitution de la Ve République est présentée comme un contre-pouvoir.
Or, jusqu’à l’avènement de la Ve République, la justice constitutionnelle était inexistante. La Constitution du 4 octobre 1958 a créé le Conseil constitutionnel qualifié par le théoricien du droit Charles Eisenmann, de « canon braqué contre le Parlement ». Rappelons qu’avant 1958, l’exécutif était contrôlé par le Parlement. Aujourd’hui, le Président de la République est le chef de l’exécutif : ses pouvoirs sont prépondérants, voire exorbitants. Et le Conseil constitutionnel est un outil caractéristique de la Ve République dont la fonction est de préserver le régime et sa clé de voûte : le Président.
Qui peut oublier la « nature référendaire » de la Ve République, ainsi que l’ont qualifiée les historiens comme Michel Winock, ou de « coup d’État permanent » selon les mots de Mitterrand en 1958 (avant de légitimer, durant deux septennats, ce régime mis en place par de Gaulle) ?
L’usage du 49.3 à la demande d’E. Macron pour faire avaliser sa loi sur les retraites est une claire manifestation du régime mis en place par de Gaulle et que Macron entend préserver, voire renforcer.
Semaine après semaine, les manifestants dans la rue affirment leur revendication légitime : le retrait du projet de loi sur les retraites de Macron.
Et sur les pancartes, c’est E. Macron qui est ciblé ouvertement. « Macon ça suffit » ! C’est non seulement toute sa politique qui est rejetée, mais c’est aussi la légitimité de Macron qui est dénoncée, et le caractère antidémocratique des institutions. C’est ce pouvoir qui est ouvertement mis en cause dans la rue.
Or, depuis janvier, après avoir accepté à l’automne de participer aux concertations sur le projet de Macon, les directions syndicales ont appelé à des journées d’action saute-mouton, proclamant « on va gagner », tout en refusant d’appeler à la centralisation de la mobilisation contre le pouvoir. Et aujourd’hui, c’est le Conseil constitutionnel qui est présenté comme le garant de la « démocratie » !
Face à l’offensive de la bourgeoisie, de Macron et du Medef, la défense des acquis est essentielle, notamment : retrait, non publication de la loi Macron sur les retraites ! Défense des salaires : Smic à 1500 euros net tout de suite ; rattrapage du pouvoir d’achat perdu (par l’augmentation du point d’indice et l’indexation sur les prix dans la Fonction publique), dans le respect des qualifications. Défense de la Sécu, abrogation de toutes les exonérations de cotisations patronale…
Mais ces revendications mettent en cause le capitalisme. Ni Macron, ni le patronat ne peuvent les accepter. Cela impose que dans l’unité, les directions syndicales appellent et organisent la mobilisation en direction du pouvoir, avec deux objectifs liés mais clairement affichés : le retrait de la réforme des retraites et infliger une défaite politique à Macron.