MALI : nécessité de mettre fin à toutes les formes d’interventions impérialistes
Le 11 janvier, sur décision de François Hollande, l’armée française est intervenue au Mali avec un premier objectif : briser l’avancée de colonnes qualifiées de « djihadistes » en provenance du Nord Mali.
Cette opération, officiellement, répondait à la demande du président malien. En réalité, elle était préparée depuis six mois, depuis que tout le nord du Mali a échappé au contrôle de l’armée malienne.
En septembre, le gouvernement français espérait ne pas avoir à déployer son armée en première ligne, comptant sur les troupes et la caution africaine des pays de la CEDEAO pour mener l’opération.
Mais début janvier, les groupes militaires « djihadistes » contrôlant le nord du pays ont fait mouvement vers le sud tandis que l’armée malienne, déliquescente, s’enfuyait.
Le gouvernement français, sauf à accepter l’effondrement complet d’un maillon indispensable au maintien de l’ordre impérialiste dans cette région, n’avait d’autre solution que d’intervenir directement.
Et son intervention ne pouvait se réduire à « bloquer » la progression de colonnes venues du nord : il s’agissait d’en détruire l’essentiel et de reconquérir tout le nord du Mali.
Bien des medias ont justifié cette intervention en évoquant le régime de terreur imposé, au nom de la charia, sur tout le nord mali par ces bandes armées depuis qu’elles en ont pris le contrôle. Cette politique de terreur explique qu’une grande partie des Maliens aient, dans un premier temps au moins, accepté cette intervention militaire de l’ancienne puissance coloniale.
Mais les Maliens connaissent aussi les exactions menées par l’armée malienne elle-même, armée dont les officiers sont profondément corrompus, et qui a davantage de compétences pour racketter la population civile que pour combattre des groupes militaro-religieux dans le nord du pays.
En réalité, les motivations de François Hollande n’ont guère à voir avec la défense des Maliens. Il s’agit, une fois encore, de maintenir les frontières imposées par la France à la fin du colonialisme, et de sauver un régime politique chargé de préserver les intérêts de l’ancienne puissance coloniale. Il suffit de rappeler que les gouvernements français successifs protègent en Afrique les pires dictatures, comme celle d’Ali Bongo au Gabon ou celle d’Idriss Deby au Tchad.
Car ce qui est en jeu est la place de l’impérialisme français dans cette région, d’autant que cette place est désormais contestée par d’autres impérialismes, dont les États-Unis.
La prolifération de bandes armées dans le nord du Mali, qui combinent fanatisme religieux et trafics divers, a été amplement facilitée par la misère qui ravage le pays. Le Mali est l’un des vingt pays les plus pauvres du monde : pillé durant l’époque coloniale, il continue à être pillé par les groupes financiers et économiques, notamment français. Une grande partie de ses paysans, conduits à cultiver des produits destinés à l’exportation comme le coton, sont misérablement rétribués. Le chômage est massif, et une part considérable de la population a émigré pour tenter de trouver du travail. Plus de 100 000 travailleurs maliens, avec ou sans papiers, résident en France.
Quant au nord du pays, il est une fois encore durement touché par la sécheresse, réduisant notamment à la misère totale les éleveurs (Touaregs, Peulhs) dont beaucoup sont contraints de se sédentariser. Et les « aides » alimentaires sont souvent détournées par des potentats locaux.
A cela s’ajoute, au nord, le conflit récurrent entre l’état « central » et les forces qui combattent pour les droits des Touaregs. Ce conflit s’est doublé d’affrontements (au rythme des alliances et des ruptures) entre groupes se réclamant, séparément ou conjointement, des droits des Touaregs et de l’islamisme radical : Mouvement national de libération de l’Azawad, le nord Mali (MNLA, considéré comme laïc, aux alliances fluctuantes), groupes armés intégristes Aqmi et Mujao, Ansar -Dine (qui vient d’éclater)….
Les medias ont avancé bien d’autres explications à la déstabilisation du nord du Mali : le rôle trouble des services spéciaux de l’Algérie (le MNLA accuse ainsi Ansar-Dine d’être une créature de ces services), le rôle du Qatar utilisant ses richesses pour y développer les courants islamiques les plus obscurantistes.
On a évoqué aussi le rôle joué par la chute de Kadhafi (attribuée à l’intervention armée de la France, en « oubliant » l’insurrection du peuple libyen), ce qui aurait ouvert ses arsenaux au profit des groupes qualifiés de « terroristes ». Ce faisant, on gomme les interventions incessantes, militaires et financières, qui furent celles de Kadhafi, recrutant également des mercenaires (au Mali entre autres) pour assurer la protection de sa dictature. .
En discourant sur ces éléments divers, on dissimule la cause fondamentale, qui est la misère qui résulte du néo colonialisme, du maintien du capitalisme dans ce pays soumis à l’impérialisme.
Cette misère, et la décomposition de l’État malien, sont le produit de la situation imposée depuis des décennies par l’impérialisme : pillage des ressources naturelles, pressions exercées pour le remboursement des dettes, protections de régimes politiques corrompus… Le diagnostic est connu. Ce n’est donc pas l’intervention militaire française qui va régler quoi que ce soit. Au contraire.
La condamnation de cette intervention s’impose, de même que l’exigence du retrait des troupes françaises. Mais ce mot d’ordre, isolément, ne règle rien quant au fond. Une partie des Maliens eux mêmes, s’ils ne sont pas dupes sur les motivations réelles de l’intervention française ( « La France intervient pour ses intérêts » expliquent certains), espèrent au moins échapper aux groupes fanatiques. Mais c’est une véritable mise sous tutelle du Mali, politique et militaire, qui est à l’œuvre aujourd’hui.
C’est donc l’ensemble de la domination exercée sur le Mali (et sur les autres pays) qui doit être remis en cause, pour en finir avec le néo colonialisme.
Pour les travailleurs français et la jeunesse qui entendent être solidaires des Maliens, cela signifie aussi combattre pour l’annulation de la dette (comme de celle des autres pays africains), la régularisation de tous les Maliens sans papiers (et de tous les sans papiers) et le droit à la libre circulation, alors même que les arrestations et expulsions se poursuivent en France. C’est reconnaître aussi le droit des Maliens de se saisir, sans indemnité ni rachat, des entreprises impérialistes, notamment françaises, qui participent au pillage du Mali. Et c’est combattre pour que les organisations ouvrières, en particulier les syndicats, rompent l’union nationale réalisée avec le gouvernement en soutien à cette intervention et se prononcent pour que soient mis fin aux interventions de l’impérialisme sous ses diverses formes.
Par contre, il n’appartient pas aux militants français de définir à la place du peuple malien, et de ses différentes composantes, la manière de prendre en compte les droits des minorités, dont celle des Touaregs. Dans le passé, les puissances impérialistes ont souvent utilisé des revendications « nationales » pour organiser la division. Les Maliens, débarrassés de toute ingérence, trouveront les solutions qui satisfassent les droits de tous, et s’opposeront aux affrontements inter communautaires que les factions corrompues liées au pouvoir ont intérêt à entretenir.
Dans cette perspective, le prolétariat malien, dont une importante fraction vit et travaille en France, a un rôle tout particulier à jouer.